Des flacons, oui, mais beaux... et durables
Pour réduire leur impact environnemental, les marques de cosmétiques multiplient les initiatives de rechargement en boutique, inspiré du vrac.
La boutique-laboratoire parisienne Amalthéa conditionne et recharge ses produits de soins du corps et du visage – « simples, sains et biodégradables » – depuis un peu plus de deux ans. « Cela me semblait délirant de jeter des flacons, alors j’ai voulu créer des packagings en verre, raconte Maryll Beaux, la fondatrice. Chaque flacon est numéroté, ce qui permet une traçabilité. » Le client dispose de sa bouteille « à vie », facturée une seule fois. Deux possibilités pour la recharge : le remplissage sur place en quinze minutes, ou le retour par voie postale, dans un carton réutilisable, avec frais de port offerts. « Nous nettoyons, stérilisons et reremplissons à l’aide de distributeurs développés sur mesure, dans le respect des normes d’un laboratoire classique », assure l’ancienne professionnelle de la finance. Ses clients ? Des femmes et des hommes, séduits aussi bien par le concept écologique que par le design du contenant. Cozie est née en 2017 de la même volonté de créer des cosmétiques bio et zéro déchet, eux aussi conditionnés dans des fioles en verre. « Quand on utilise un produit Cozie à la place d’un produit jetable, on baisse de 79 % les émissions de CO2 », indique Louise Salvati, cofondatrice de la marque. A la différence d’Amalthéa, Cozie propose un système de consigne. Le contenant est facturé 1,50 euro, déduit de l’achat suivant en contrepartie du retour du flacon qui sera alors lavé, désinfecté, rerempli et remis dans le circuit. Et pour aller plus loin, la jeune pousse a créé la Dozeuse, une machine brevetée – hermétique à l’air, la lumière et la poussière – qui permet aux clients de se servir la juste quantité en magasin bio.
Ce principe de refill (« reremplissage ») suscite également l’intérêt des grands acteurs des cosmétiques. En l’espace de quelques mois, plusieurs tests ont été lancés : Mustela, avec la recharge en parapharmacie d’un gel lavant bio pour bébé ; Clarins, avec un distributeur d’Huile « Tonic » et d’Eau dynamisante ; Yves Rocher ou L’Occitane, avec des fontaines à gel douche.
« Nous voulons avoir un impact minimum en termes de packaging. Alors pourquoi ne pas tester le vrac ? Nous incitons à racheter uniquement le jus, avec une réduction du prix de 25 % à 30 % », explique Corinne Fugier-Garrel, directrice du développement du concept packaging chez L’Occitane.
« Le refill fait partie de notre stratégie de développement durable et cela s’intensifie », confirme de son côté Jacques Playe, directeur du packaging et du développement produit du groupe L’Oréal. Y compris dans le luxe. « C’est un sujet de plus en plus saillant aujourd’hui que les clients nous adressent », témoigne Cécile Lochard, directrice du développement durable chez Guerlain (LVMH). Dans ses boutiques, la maison remet ainsi son histoire à l’honneur grâce à des fontaines à parfum qui permettent de remplir son flacon iconique dit aux abeilles, personnalisable et en verre recyclé. « Nous avons été des pionniers du ressourçage puisque ce flacon a vu le jour en 1853 », poursuit-elle. Même principe pour le groupe L’Oréal, avec les parfums Angel, Alien et Aura de Mugler et Idôle de Lancôme. Objectif : réduire les emballages, fidéliser les clients et renforcer l’expérience en magasin !
Ces initiatives des grandes marques se limitent actuellement aux produits dits rinçables et aux parfums. « Car les cosmétiques non rinçables [NDLR : produits de soins, par exemple] sont fragiles, avec des risques bactériologiques importants », rappelle Célia Rennesson, cofondatrice de Réseau Vrac. « Cela nécessite de la discipline et un protocole strict », renchérit Jacques Playe. Avant d’ajouter : « Nous allons tenter de développer des solutions dans les mois qui viennent, notamment pour le soin et le capillaire. Mais à petite échelle et sous haute surveillance. »
L’alternative ? Les systèmes d’écorecharge – en plastique recyclé – qui ont le mérite de réduire le volume d’emballage. De 50 % à 60 %, affirme Jacques Playe. Alors, en attendant d’atteindre l’objectif zéro déchet dans nos salles de bains, on mise sur la beauté du flacon, véritable objet décoratif – et durable.