L'Express (France)

LE CORPS ET L’ÂME

PAR JOHN HARVEY, TRAD. DE L’ANGLAIS PAR FABIENNE DUVIGNEAU. RIVAGES, 284 P., 21,50 €.

- AGNÈS LAURENT

On a tellement aimé la série des « Charlie Resnick », depuis Coeurs solitaires, en 1993, qu’on ne peut s’empêcher, en ouvrant le dernier roman de John Harvey, de craindre la déception. A tort. L’auteur anglais clôt avec brio celle consacrée à un autre flic, Frank Elder, retraité après trente ans de commissari­at à Nottingham. Sans se répéter, il explore une nouvelle fois les relations entre père et fille. Celle de Frank, Katherine, enlevée à 16 ans par un malade qu’il traquait, a pris ses distances avec lui après sa libération, mais lorsque, sept ans plus tard, elle est soupçonnée du meurtre d’un artiste aux penchants pervers, Elder s’efforce de lui venir en aide.

On retrouve ici tout ce qui a fait de John Harvey l’un des meilleurs auteurs de polars britanniqu­es de ces trente dernières années. L’amour du jazz qui habite subtilemen­t le texte, jusqu’à lui donner son titre original (Body and Soul) ; l’infinie tendresse que l’on éprouve à l’égard de ses héros, flics brillants mais incapables de montrer qu’ils aiment ou de garder une famille ; un sens de l’ellipse qui donne à sa narration légèreté et fluidité – nul besoin de tout décrire pour transmettr­e la tension et l’émotion ; la plongée dans l’atmosphère anglaise, des Cornouaill­es à Londres, des classiques beans on toast aux tabloïds, de l’omniprésen­ce des caméras de surveillan­ce aux pubs où se joue le meilleur de la musique : tout cela fait que l’on savoure comme aux premiers jours l’écriture efficace de l’auteur, au point que l’on se surprend au fil des pages à ralentir le rythme de lecture pour que le plaisir dure encore un peu. Comme un morceau de jazz qui n’en finit pas de nous étreindre le coeur.

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