DE LA GRIPPE. ENCORE DE LA GRIPPE. TOUJOURS DE LA GRIPPE
PAR CHARLES PÉGUY. BARTILLAT, 158 P., 14 €.
« L’Europe est malade, la France est malade. Je suis malade. Le monde est malade. » Ces phrases qui pourraient être écrites en 2021 datent de 1900. Charles Péguy sort d’une très mauvaise grippe. A 27 ans, il vient par ailleurs de lancer sa propre revue, les Cahiers de la quinzaine, qui fera sa légende. De février à avril, il y publie ces trois textes que les éditions Bartillat rééditent en un seul volume : De la grippe, Encore de la grippe et Toujours de la grippe. Il s’agit d’un dialogue entre Péguy et un « docteur moraliste révolutionnaire ». Au début, l’écrivain se demande où il a attrapé « ces microbes ennemis » et relit la fameuse Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies de Pascal. Mais Péguy étant Péguy, c’estàdire un graphomane incontrôlable, il se met vite à parler de tout et de rien, de la société en général et du socialisme en particulier.
Ses fanatiques estiment souvent que c’est à partir de son retour à la foi, en 1907, qu’il devient vraiment luimême et que, jusqu’à sa mort au front, en 1914, il aligne les chefsd’oeuvre : Clio ; A nos amis, à nos abonnés ; Notre jeunesse ; Un nouveau théologien ; L’Argent et L’Argent, suite. En 1900, quand il écrit sur la grippe, c’est encore un Péguy débutant, un Péguy première souche, pourraiton dire. Mais les amateurs retrouveront son style si particulier, procédant par répétitions, par vagues qui ne cessent de muter. S’il était vivant, sans nul doute deviendraitil fou chez lui, et publierait coup sur coup « Du confinement », « Encore du confinement » et « Toujours du confinement ». On aimerait bien lire ça. Où est le Péguy du Covid ?