L’ESPRIT DE PLAISIR
PAR PHILIPPE PONS ET PIERRE-FRANÇOIS SOUYRI. PAYOT, 526 P., 26 €.
Manier le plaisir au Japon avec érudition, tel est le défi relevé avec brio par Philippe Pons et PierreFrançois Souyri. Le correspondant au Japon du Monde et l’historien spécialiste de l’archipel à l’université de Genève effeuillent l’histoire de la sexualité et de l’érotisme du xviie au xxe siècle dans cet empire des sens, un pays aux moeurs longtemps caractérisées par une grande tolérance. A l’époque d’Edo (16031867), les Japonais considèrent l’acte sexuel comme « allant de soi et exempt de toute culpabilité morale », et développent une culture du plaisir « faisant preuve d’une débauche imaginative jouant sur le registre du raffinement et du ludique non exempt d’une fantasmagorie jubilatoire », dont témoigne une abondante production textuelle et visuelle, à commencer par les ces « images de printemps » figurant ébats et plaisirs variés. La période voit des samouraïs fricoter avec de jeunes éphèbes, des femmes s’adonner aux plaisirs solitaire ou lesbien, des couples divorcer aisément. La geisha affine son art. Les quartiers des plaisirs s’organisent.
Puis débute, en 1868, la restauration de Meiji. De pudibonds Occidentaux s’offusquent de la liberté des moeurs. Le Japon adopte alors les « normes de la conjugalité occidentale » et une vision « clinique » de la sexualité. L’atmosphère devient « victorienne ». Le plaisir s’engage dans de nouvelles voies, sans renier l’héritage d’Edo, puis, tout au long du xxe siècle, explore l’androgynie, le sadomasochisme, l’homosexualité, et plus généralement la passion, pour maintenir l’érotisme du Japon grâce à « un savant équilibre entre raffinement dans la pratique de la séduction, sensibilité aux attentes de l’autre et sensualité ».