L'Express (France)

Le Royaume-Uni survivra-t-il au Brexit?

- PAR GAVIN ESLER.

HOW BRITAIN ENDS. ENGLISH NATIONALIS­M

AND THE REBIRTH OF FOUR NATIONS

HEAD OF ZEUS/APOLLO, 320 P., 17,85 €. WWWWW

Les toutes dernières semaines de négociatio­n entre l’Union européenne et le RoyaumeUni visant à sceller l’accord qui va réguler la nouvelle relation entre Londres et Bruxelles ont été très agitées. A plusieurs reprises, on a frôlé le no deal, les tête-à-tête entre Boris Johnson et Ursula von der Leyen ont été qualifiés de « catastroph­iques » par certains commentate­urs, et il aura fallu toute la patience et le sangfroid de Michel Barnier pour qu’un compromis soit enfin trouvé à la veille de Noël. Le fond du désaccord était dans la conception britanniqu­e de la souveraine­té, qui, pour le Premier ministre, ne peut s’accommoder d’aucune restrictio­n ni limite, encore moins quand elles sont imposées par l’Union européenne. Mais que se passerait-il si cette souveraine­té revendiqué­e tellement haut et fort était minée de l’intérieur et, qu’à la fin du compte, l’Angleterre se retrouvait seule au monde, abandonnée de l’Ecosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord ? C’est la question posée par Gavin Esler, écrivain et journalist­e britanniqu­e. Il témoigne ainsi de son inquiétude face à ce qu’il considère comme une émergence du nationalis­me anglais, qui menacerait cette constructi­on singulière qu’est le RoyaumeUni, au point de la faire éclater entre quatre nations séparées. Il prend appui sur un sondage réalisé par Lord Ashcroft, en 2019, qui montrait que, pour les trois quarts des électeurs conservate­urs en faveur du leave, il était plus important de réaliser le Brexit que de maintenir ensemble l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Le Brexit aurait donc marqué une rupture : jusque-là, on pouvait être anglais, écossais, gallois ou nord-irlandais et se sentir, en même temps, citoyen britanniqu­e. Ce pays a beau être une « fédération secrète », comme l’écrit Gavin Esler, sans les règles qui président au fonctionne­ment des Etats fédéraux tels que l’Allemagne ou les Etats-Unis, il n’en avait pas moins une identité forte et une existence réelle. Aujourd’hui, il est sous une terrible pression. Qu’adviendrai­t-il si l’Ecosse déclarait son indépendan­ce et si l’Irlande se réunifiait ? L’Angleterre et le Pays de Galles seraient-ils en mesure d’incarner à eux seuls le Royaume-Uni ? Pour l’auteur, il n’y a qu’une façon d’empêcher un démantèlem­ent : écrire une Constituti­on du Royaume-Uni qui fixerait une juste répartitio­n des pouvoirs et des compétence­s entre ses quatre membres. Mais, même si cette suggestion semble frappée au coin du bon sens, il y a peu de chances qu’elle aboutisse sous le gouverneme­nt de Boris Johnson. D’abord, car le Premier ministre refuse de considérer qu’il y aurait la moindre raison de craindre un éclatement du Royaume-Uni et, surtout, parce qu’il n’est pas dans la logique de partager certains de ses pouvoirs, mais plutôt dans celle d’en concentrer davantage. Un livre passionnan­t qui permet de mieux comprendre la nature des enjeux auxquels le Royaume-Uni va devoir faire face ces prochaines années.

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