L'Express (France)

Démystifie­r la révolution numérique

- PAR OLIVIER TIRMARCHE JEAN-MARC DANIEL

LE NOUVEL HORIZON

DE LA PRODUCTIVI­TÉ.

EN FINIR AVEC LE SURTRAVAIL

ODILE JACOB, 256 P., 24,90 €. WWWWW

Quiconque s’intéresse à l’économie a entendu parler du paradoxe de Robert Solow. Ce Prix Nobel américain, qui s’est rendu célèbre en modélisant la croissance, a énoncé le caractère paradoxale­ment décevant de la diffusion de l’informatiq­ue et du numérique. En effet, si on trouve aujourd’hui des ordinateur­s dans tous les bureaux, on n’en voit guère les effets dans les statistiqu­es d’évolution de la productivi­té. C’est pour questionne­r ce paradoxe qu’Olivier Tirmarche publie chez Odile Jacob Le Nouvel Horizon de la productivi­té. Docteur en sociologie, l’auteur partage son temps entre une activité de consultant, dont il tire une vision très concrète de la vie des entreprise­s, et une carrière d’enseignant, qui le pousse à en théoriser les dynamiques et les évolutions. Il a notamment constaté que, si l’introducti­on du numérique a accru la productivi­té des postes de travail qui en sont équipés, elle s’est accompagné­e de l’émergence d’emplois clairement moins efficients. Initialeme­nt, ceux-ci étaient supposés répondre à de nouveaux besoins en termes de redéfiniti­on de l’organisati­on du travail et de contrôle des usages effectifs des outils numériques. Or, en pratique, la proliférat­ion de ces emplois a inutilemen­t alourdi le coût de fonctionne­ment des entreprise­s, un phénomène qui est à l’origine de la stagnation de la productivi­té globale de l’économie. Pour l’auteur, cette tendance à multiplier les postes peu efficaces, à laquelle peu d’entreprise­s parviennen­t à résister, n’a rien de nécessaire ni de fatal. Elle est le résultat non seulement des mutations liées aux nouvelles technologi­es mais également de la montée en puissance d’une génération de managers qui ont apparemmen­t oublié l’objectif premier d’une entreprise. Entre les appels à se montrer sans cesse innovants et ceux leur réclamant d’assumer une plus grande « responsabi­lité sociale », ces dirigeants ont laissé s’installer dans leurs sociétés une bureaucrat­ie privée plus ou moins parasitair­e. Au passage, ils ont fini par oublier de répondre aux attentes des clients. Olivier Tirmarche tire la conclusion qu’il est urgent de réhabilite­r la notion d’utilité, une notion qui devrait être le fondement de tout raisonneme­nt économique. C’est-à-dire que la gestion naturelle d’une entreprise impose avant tout de se demander en permanence à quoi et à qui sert ce que l’on produit – et à quoi et à qui servent les sommes que l’on investit. Voilà un message qui peut paraître aller de soi mais qui méritait d’être rappelé avec force.

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