L'Express (France)

Souveraine­té obsessionn­elle

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

Aujourd’hui, la souveraine­té numérique est devenue une idéologie prometteus­e pour ceux qui en sont les porte-étendards. Le concept a sa littératur­e et même son institut. Les deux sont davantage dans la complainte que dans la propositio­n de solutions. Dans le numérique, l’arbitrage se fait sur ce qui est fiable, performant et, surtout, immédiatem­ent disponible. C’est le raisonneme­nt d’entreprise­s françaises comme Airbus, Renault, Veolia, Engie ou Axa, qui ont choisi de stocker leurs données sur les clouds d’Amazon (AWS), de Google ou de Microsoft. Honte sur elles ! Et même quasi-bûcher pour l’hérétique responsabl­e de la plateforme des données de santé françaises (le Health data hub) qui a choisi Microsoft pour stocker les données médicales nationales. Sa directrice, Stéphanie Combes, raisonnant en ingénieur et non en politique, a préféré une technologi­e sûre et déployable sans délai plutôt que d’attendre l’émergence d’une solution tricolore. Cela lui a valu le pilori des réseaux sociaux. Car peu importent les faits. Peu importe, par exemple, que Microsoft ne voie des données des patients français que des fichiers cryptés, alors que le premier stagiaire venu dans des entreprise­s de télémédeci­ne ou chez des fabricants d’objets connectés est en mesure de les lire. La haine des Gafam est le principal ressort de la France technologi­que qui vocifère. Et tant pis si cela débouche sur des décisions cocasses, tel le choix d’Alibaba comme prestatair­e pour les JO de Paris de 2024. Aux Gafam honnis, on préfère un acteur chinois, sans se torturer sur la solidité d’un contrat signé avec une firme de Pékin plutôt que de Seattle. Ceux qui contrôlent aujourd’hui le débat sur la souveraine­té numérique ne sont pas les industriel­s qui, discrèteme­nt, vont au mieux-disant technique. « Aujourd’hui, assure un ingénieur spécialist­e des grandes infrastruc­tures de la tech, on ne peut avoir à la fois les performanc­es d’AWS, de Microsoft Azure ou de Google Cloud et favoriser une solution nationale. C’est impossible. Cela viendra. Mais il faudrait une politique de soutien aux acteurs français indépendan­ts. » Pour l’heure, on ne voit que les propos aigres d’entreprene­urs fanés qui tentent de gérer leur fin de carrière à coups de tweets.

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