LES ORAGES
PAR SYLVAIN PRUDHOMME. L’ARBALÈTE/GALLIMARD, 192 P., 18 €. ✸✸✸✸✸
Un homme débarque dans un hôpital, direction le service des urgences pédiatriques. Il recherche la chambre 817, où, sept ans plus tôt, un certain Ehlmann a veillé quinze jours durant son minuscule bébé, en pleine détresse respiratoire, plongé entre la vie et la mort. Une infirmière se souvient, témoigne du combat de tout un service. Ehlmann lui-même a raconté à l’homme le premier sourire de l’enfant au sortir de l’antichambre de la mort et son étonnant regard : « Il y avait dans ses yeux je ne sais quelle sagesse venue de très loin, on aurait dit qu’il avait 1 000 ans. » Le narrateur n’a rencontré Ehlmann qu’une seule fois, sur le bord d’une autoroute. Mais peu importe, il s’est attaché à cette famille. Comme le lecteur s’attache aux protagonistes de chacune des 13 histoires (Prudhomme préfère ce mot à celui de « nouvelle », trop pompeux à son goût) qui composent ce recueil à hauteur d’hommes et de femmes. Toutes les situations nous sont familières, à l’instar de ces « orages » qui peuvent survenir dans une vie : l’entrée dans la maladie d’Alzheimer d’un grand-père, avec, ici, le dangereux maniement d’un taille-haie et l’autodérision en guise de dérivatif ; l’enterrement d’un (autre) grand-père qui suscite l’interrogation des proches : incinération ou pas ? ; le désarroi d’une Sénégalaise qui va mettre fin à son rêve pour financer le traitement de son jeune frère ; la rencontre d’un couple adultérin avec un chef d’entreprise qui savoure dans l’anonymat ses vendredis buissonniers ; une personne qui court après le temps, ou une autre qui quitte définitivement son appartement… L’auteur de Par les routes, prix Femina 2019, fait montre d’un style si enlevé et d’une telle tendresse que ces histoires, pas toujours gaies sur le papier, irradient d’une lumière bienfaisante.