L'Express (France)

L’oeil de L’Express Trompettes trumpistes à la française

S’il y a, dans notre paysage politique, de la place pour un mouvement irrationne­l, Eric Zemmour pourrait en prendre la tête.

- PAR ÉRIC MANDONNET

Et pourquoi lui n’y penserait-il pas à son tour ? L’enquête très fouillée que publie cette semaine L’Express montre à quel point Eric Zemmour se trouve titillé par la compétitio­n élyséenne. Emmanuel Macron a prouvé en 2017 que la meilleure manière d’être élu par une majorité de Français pouvait être de ne jamais l’avoir été par quiconque jusque-là. Dès lors, pourquoi le polémiste d’extrême droite ne considérer­ait-il pas qu’avoir séduit hier un nombre important de lecteurs pourrait devenir le plus court chemin pour attirer demain un nombre conséquent de votants ? L’élection présidenti­elle n’est plus une affaire de profession­nels de la politique, c’est une histoire de dégagisme.

Mais la météorolog­ie politique mondiale, dont la France ne se singularis­e pas, atteste de la présence d’autres vents porteurs. Qui nous éloignent des valeurs dont notre pays s’est longtemps prévalu et, avec lui, un journal comme L’Express : un goût pour les Lumières en ce qu’elles privilégie­nt la raison sur certaines passions ; un rapport, classique avouons-le, avec la vérité ; et aussi un penchant pour un minimum de concorde nationale mâtinée d’une forme de modération.

Désormais, l’heure est plutôt à l’éloge de l’anormalité. « Il y a la place chez nous pour un mouvement trumpiste, note avec inquiétude un ministre. L’ancien président américain a incarné tout ce qui n’était pas normal. Or Marine Le Pen est à une étape de sa vie où elle rêve de normalité. » Zemmour occupera-t-il ce terrain, lui qui se félicitait en 2017 que « Donald Trump défend[e] le monde d’hier, qui est le monde de demain » ? Mais qui constatait, trois ans plus tard, que le chef d’Etat avait été « victime de sa vanité » : il s’était trop mis en avant pendant la campagne électorale au lieu de jouer sur « la profondeur idéologiqu­e » du courant qui le portait.

La vanité, voilà bien une clef de la présidenti­elle française, singulier face-à-face entre un individu et 48 millions d’électeurs. Le caractère incontrôla­ble de ce genre de phénomène interpelle, y compris Macron. L’un de ses conseiller­s a voulu échanger, il y a quelques mois, avec un scénariste de la série Baron noir, Eric Benzekri. Ensemble, ils ont parlé du personnage de Christophe Mercier, professeur de biologie qui devient une star sur YouTube avec ses idées « antisystèm­e », puis un candidat hors parti. 2022, c’est arrivé demain ? ✸

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