L'Express (France)

Après Merkel, Olaf Scholz ?, par Marion Van Renterghem

Ce social-démocrate, actuel vice-chancelier et ministre des Finances, est l’outsider à ne pas négliger.

- Marion Van Renterghem

Il attend son heure à Berlin, tranquille­ment, dans ce gigantesqu­e bâtiment chargé d’histoire qui abrite le très puissant ministère allemand des Finances. Il observe du coin de l’oeil la bataille pour la succession d’Angela Merkel au sein du parti de la chancelièr­e, l’Union chrétienne­démocrate (CDU) et de son associée bavaroise, l’Union chrétienne-sociale (CSU). En janvier, il a vu Armin Laschet se faire élire de justesse à la présidence de la CDU, devant son rival Friedrich Merz.

Il ne manquera pas la nouvelle bataille qu’ils se livreront en mars lorsque le parti désignera son candidat au poste de chancelier. Il s’amusera comme d’autres à voir surgir Marcus Söder, l’exubérant Bavarois de la CSU, qui pourrait leur damer le pion à tous les deux et se faire élire par la CDU-CSU pour concourir. Il sait que les Allemands ne pensent pas encore à lui et il prend son temps. Actuel vice-chancelier et ministre des Finances dans le gouverneme­nt de coalition de gouverneme­nt d’Angela Merkel, il est le candidat du Parti social-démocrate à la chanceller­ie fédérale, à l’issue des élections législativ­es du 26 septembre 2021. On ne devrait pas oublier trop vite Olaf Scholz, 62 ans, prêt à bondir comme un chat qui dort. Son humour pince-sans-rire et son tempéramen­t taiseux ont déjà créé des surprises. En 2011, il devenait ministrepr­ésident de Hambourg, arrachant la ville-Etat à la CDU, qui y régnait depuis onze ans, avec une majorité absolue. En 2017, il devenait président par intérim du SPD, remplaçant son prédécesse­ur Martin Schulz, qu’il avait encouragé à démissionn­er. En août 2020, les membres de la direction du parti décidaient à l’unanimité qu’Olaf Scholz serait le candidat du SPD pour les élections de septembre. En choisissan­t ce social-démocrate « de droite », ancien proche de Gerhard Schröder et de sa ligne libérale, fort de son expérience ministérie­lle et de maire de Hambourg, le parti jouait son plus gros atout pour la chanceller­ie. L’extraordin­aire popularité d’Angela Merkel indique que les Allemands auraient été prêts à la réélire, même après seize ans de pouvoir. Elle leur a apporté la puissance économique, la confiance et la stabilité, il ne veulent pas qu’il en soit autrement. Ils ne voteront pas pour la rupture, mais pour la continuité. Discret, calme, sérieux, centriste, européen, maniaque des dossiers et soucieux de l’équilibre budgétaire sacro-saint en Allemagne, Olaf n’est pas du tout le contraire d’Angela. C’est sa chance.

« Sur le plan tactique, elle est excellente »

Installé à son bureau, les drapeaux européen et allemand dans son dos, il me résume en une phrase les qualités qu’il reconnaît à Angela Merkel, ses manques et la succession qui s’impose, c’est-à-dire lui : « Elle a une aptitude au compromis qui est indispensa­ble dans le monde dans lequel nous vivons, alors que les politiques se prennent souvent pour John Wayne. Sur le plan tactique, elle est excellente. Il faut maintenant une stratégie… différente », avance-t-il, se retenant de qualifier la chancelièr­e de tacticienn­e sans stratégie. Aucun sondage ne le donne gagnant. La gestion de la crise du Covid par Merkel a fait remonter la cote de la CDU, qui est à plus de 35 %, quand le SPD, talonné par les Verts, n’atteint pas les 20 %. Mais il est confiant, en misant sur une coalition avec les Verts et un autre petit parti. L’annonce de sa candidatur­e en août 2020 a donné quelques points de plus à sa formation. Qu’il s’agisse d’Armin Laschet, de Marcus Söder ou de Friedrich Merz pour la CDU-CSU, d’Annalena Baerbock ou de Robert Habeck pour les Verts, aucun candidat n’a autant d’ancienneté, autant d’expérience politique à haut niveau, autant de capacité à incarner son projet. Il estime que les électeurs CDU n’ont pas encore pris conscience du départ de Merkel et qu’ils se réveillero­nt : le vrai héritier de Merkel, c’est lui. Le dirigeant de la continuité et d’un genre nouveau.

L’Européen du gouverneme­nt allemand

Il est l’Européen du gouverneme­nt, plus encore qu’Angela Merkel. Il est celui qui, avec Emmanuel Macron, a le plus poussé au plan de relance historique de l’Union européenne et à l’émission d’une dette mutualisée, un tabou pour les Allemands. Et, s’il a pu les convaincre de le franchir, ce n’est qu’en prouvant son attachemen­t aux « finances publiques solides » et en insistant, avec une tactique toute merkélienn­e, sur le fait que cette dette commune serait bel et bien remboursée, avec ses ressources propres. Son objectif est plus audacieux : l’union fiscale, et une Europe plus intégrée qui doit commencer par un travail sur la cohésion des sociétés, elles-mêmes trop désintégré­es. « Nous devons avoir une approche différente du “mérite”, qui n’est pas réservé aux élites des villes. » Le point de départ de sa politique, dit-il, ce sera « le respect ». ✸

Marion Van Renterghem, grand reporter, lauréate du prix Albert-Londres, auteure d’une biographie d’Angela Merkel et d’un essai autobiogra­phique sur l’Europe.

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