Etat : le double discours sur la 5G
Quand, à l’automne, Macron fustigeait ses opposants, son secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, érigeait une nouvelle contrainte pour les opérateurs.
Bug au sommet de l’Etat. Tandis que le « modèle Amish » était moqué ouvertement par le président de la République, son gouvernement lui a discrètement donné des gages. Quelques semaines après qu’Emmanuel Macron a fustigé, mi-septembre, les opposants à la 5G, un de ses ministres a en effet imposé une nouvelle obligation aux opérateurs sur cette même technologie. Dans une lettre, dont L’Express a obtenu copie, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, leur demande de « communiquer un dossier d’information » aux élus locaux un mois avant le déploiement de ce réseau permettant d’accéder à l’Internet très haut débit. Une nouveauté… qui a tout d’une boîte de Pandore. Car nombre d’édiles refusent aujourd’hui cette innovation, préférant attendre l’évaluation sur les risques sanitaires et écologiques. Les alerter revient donc à s’exposer à un mur de refus. Dans cette missive, il est précisé – et souligné – que cette communication doit être faite « quelles que soient les bandes de fréquence mobilisées et les modalités de sa mise en oeuvre ». En clair : même pour réaliser une simple modification du programme informatique, sans toucher aux antennes déjà installées pour les faire évoluer de la 4G à la 5G, les municipalités doivent en être informées. Et d’avertir : « Nous veillerons [au] strict respect [de cette condition] dans les prochaines semaines. »
Sans le nommer, le gouvernement cible les méthodes de Free, également critiquées par Orange, dont l’Etat reste le principal actionnaire. Son PDG, Stéphane Richard, estime que son concurrent utilise cette mise à jour pour proposer en fait une « fausse 5G » avec des débits moins importants faute de pouvoir changer les antennes.
Il y aurait donc tromperie sur l’offre, selon l’association de consommateurs Familles rurales, qui a décidé de porter plainte.
Au-delà du cas Free, cette nouvelle contrainte exaspère le milieu industriel. « Entre les paroles du président de la République et les actes du gouvernement, on note un grand écart, tempête un des acteurs. Résultat, la 5G n’est pas lancée à Paris. » Pis, les municipalités de Nantes, Lille, Grenoble, Montpellier ou encore Bordeaux ont opposé un refus ferme. « Nous avons décidé d’un moratoire », indique-t-on du côté de Lille, avant d’obtenir les résultats de l’étude menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire attendus d’ici à la fin mars. Dans la capitale, la consultation citoyenne prévoit la signature prochaine d’une nouvelle charte avec les opérateurs. Même si ces exigences ne reposent sur aucune base juridique, pas question de passer en force. Il faut conserver de bons rapports avec les élus locaux. On n’insulte pas l’avenir. ✸