L’accord Israël-Maroc met Beur FM sous haute tension
Deux animateurs affirment avoir été punis pour leur rencontre avec l’ambassadeur de l’Etat hébreu. Malgré un courriel de réprimande, la directrice conteste.
Au téléphone, Djima Kettane, la directrice de Beur FM, est formelle : « Ils n’ont pas été sanctionnés, il n’y a pas de sujet. » Ils ? Rose Ameziane et Malik Yettou, désormais ex-animateurs sur sa station, qui affirment avoir été punis pour une rencontre avec l’ambassadeur d’Israël, en décembre. Chaque partie dit envisager une action en justice, dans une affaire où l’Etat hébreu semble être le point sensible, déclencheur d’un immense malaise au sein du média communautaire.
Depuis septembre 2020, Malik Yettou et Rose Ameziane présentaient L’Actu autrement, une émission de débats diffusée le vendredi, à 17 heures, sur cette radio fondée en 1992. Le 14 décembre, après une sollicitation de l’ambassade d’Israël, ils proposent d’évoquer à l’antenne l’accord de normalisation des relations entre l’Etat hébreu et le Maroc, intervenu quatre jours plus tôt. Refus de Djima Kettane. Pour des raisons de « ligne éditoriale », selon les présentateurs, parce que l’information devait
être traitée par « un autre journaliste », selon la directrice générale.
Les deux se rendent malgré tout à l’ambassade le 23 décembre, pour nourrir leur réflexion. A l’issue des échanges, l’ambassadeur propose de prendre une photo. Le cliché est publié sur le compte Twitter de la représentation diplomatique, accompagné d’une mention de Rose Ameziane et de Malik Yettou, cités comme « présentateurs de L’Actu autrement sur Beur FM ». Deux heures plus tard, Djima Kettane leur envoie un courriel comminatoire : « Bonjour Rose, malgré notre conversation, tu as tout de même mêlé la station et ta visite [sic] à l’ambassade. Que tu t’engages personnellement, soit, mais la radio a son mot à dire pour toute représentation extérieure. » Puis elle annonce la suspension de l’émission, dans l’attente d’un « bon débrief de notre ligne éditoriale ». Auprès de L’Express, Djima Kettane indique avoir été mécontente que « Beur FM soit citée » dans le message entourant cette entrevue. Et nous signifie que « la direction doit accréditer les journalistes » avant toute rencontre. Ameziane et Yettou opposent qu’ils n’ont « jamais signé de contrat de salarié » ou de clause d’exclusivité avec Beur FM. Tous deux exercent d’autres activités professionnelles. Dans leur esprit, cette rencontre a donc eu lieu sur leur temps libre.
Après ce coup de pression, trois émissions de L’Actu autrement n’ont pas lieu. Puis, le rendez-vous reprend le 15 janvier… avant d’être reprogrammé le samedi matin, un créneau où les auditeurs sont moins nombreux. S’estimant humilié, le duo décide d’ébruiter l’affaire, et évoque un « antisémitisme ambiant ». Djima Kettane, scandalisée par ces « accusations très graves », réfute l’existence d’une « sanction » puisque « l’émission a repris ».
Ultime élément troublant, ce 28 janvier, le compte Twitter de la station a brièvement « aimé » un message aux relents antisémites. « Les juifs français ont normalisé l’islamophobie », assénait le compte @ Mama2Diawara, suspendu depuis. La directrice du média plaide l’intrusion informatique : « Nous avons observé une activité anormale sur notre compte Twitter […] et avons suspecté un piratage. C’est pour cela que nous avons aussitôt modifié notre mot de passe. » Elle ajoute : « J’ai bien une notification du changement de mot de passe dix minutes après. » La DG n’a pas souhaité nous communiquer cette pièce.W