Fender : quand la musique est bonne
Le confinement fait aussi des heureux : aux Etats-Unis, le fabricant de guitares connaît une envolée de ses ventes.
C’est une vieille gloire du rock and roll qui fait un retour impressionnant. Né en 1946, la même année que Dolly Parton, le californien Fender a battu tous les records en 2020. Connu dans le monde entier pour ses guitares électriques Stratocaster (Jimi Hendrix, Mark Knopfler…) ou Telecaster (Keith Richards, Jeff Buckley…), le premier fabricant américain d’instruments de musique, avec avec près de 3 000 employés dans le monde, a vu ses ventes augmenter de 17 % l’année dernière, dépassant pour la première fois les 700 millions de dollars de revenus. Dans son sillage, l’ensemble du marché américain des guitares est en pleine résurrection – en partie en raison du coronavirus.
« Je n’aurais jamais imaginé cela en mars dernier, quand 90 % des magasins de musique ont fermé leurs portes et que nous avons dû arrêter nos usines », reconnaît Andy Mooney, PDG de Fender depuis 2015, dans un entretien exclusif à L’Express. Quasiment au même moment, grâce au confinement, les ventes de guitares ont commencé à s’envoler aux Etats-Unis. « Les gens étaient bloqués chez eux, et beaucoup se sont dit que c’était le bon moment pour se mettre à la guitare », explique Brian Majeski, responsable du cabinet d’études de marché spécialisé Music Trades. « A partir du mois d’avril, absolument tout ce que les revendeurs avaient en stock est parti ! »
Coup de chance pour le fabricant californien, il avait déjà commencé à cibler les nouveaux guitaristes, avec une offre de cours en vidéo sur Internet, Fender Play, lancée en 2017 à l’initiative d’Andy Mooney. « Quand je suis arrivé, nous avions fait une étude pour mieux connaître nos clients, explique cet ancien de Nike et de Disney. Nous avions découvert que 45 % de nos instruments étaient achetés par des débutants. » Autre enseignement : 90 % des apprentis guitaristes abandonnent au bout d’un an. Pour Andy Mooney, « le problème de notre industrie n’est donc pas de conquérir des clients, mais de les conserver ».
Au printemps de l’année dernière, en plein « lockdown », Fender décide d’offrir trois mois d’accès gratuit à ses cours. Un vrai carton : 980 000 personnes s’inscrivent au lieu des 100 000 attendues. Un quart d’entre elles sont, depuis, devenues des abonnés payants. Ce qui était au départ « un geste de bienveillance », selon le PDG, est devenu un excellent coup marketing : « C’est un phénomène mondial. Les gens sont à la maison, ils ont davantage de temps. Cela explique le succès de Netflix ou des cours de sport en ligne. Fender Play s’inscrit dans la même tendance. Et jouer d’un instrument est excellent contre le stress ! »
L’afflux de novices a bénéficié à l’ensemble du marché américain, premier au monde avec quelque 3 millions de « six cordes » vendues par an. Les deux principaux distributeurs, Guitar Center et Sweetwater, ont enregistré des résultats exceptionnels sur les six derniers mois. Le second vend désormais 1 millier de guitares par jour, contre 800 en moyenne en 2019.
Reste à savoir si cet engouement se poursuivra après la pandémie. « Je ne pense pas que les ventes vont continuer de croître autant pendant des années, reconnaît Andy Mooney. Mais si seulement 10 % des débutants continuent de pratiquer, cela représente 1 milliard de dollars de revenus supplémentaire pour l’industrie ! » Un tube. ✷