Votre argent Fonds en euros : des taux à la tête du client
Tous les souscripteurs d’un même contrat ne sont pas rémunérés à l’identique. Cette pratique des barèmes personnalisés fait le bonheur des assureurs.
Peu d’épargnants le savent : le rendement qui est servi sur les fonds en euros – l’unique compartiment sans risque de votre assurance-vie – ne dépend pas de la seule performance enregistrée sur ce portefeuille financier l’année précédente. Il est surtout lié au bon vouloir de l’assureur, autorisé à répartir les bénéfices de ce fonds de façon inéquitable entre ses souscripteurs. En cause ? D’abord, la pratique du bonus, soit l’attribution d’un rendement selon le profil du client. Résultat : l’écart de rémunération entre les détenteurs d’un même fonds en euros va du simple au triple, à l’instar des fonds Swiss Life, de 1,1 à 2,9 % (voir le tableau ci-dessous). Une tendance constatée depuis quelques années, et qui tend à se généraliser. Dans son « observatoire de l’assurance-vie 2020 », l’organisation de consommateurs CLCV relève que, sur 245 contrats analysés, près d’un tiers jouent la carte des taux personnalisés. Décrochent un bonus les clients qui sont les plus lucratifs pour l’assureur. Ceux disposant d’une part minimale d’unités de compte (UC), les fonds à risque (de 20 à 50 % de l’en-cours total de leur contrat), et/ou d’un capital minimal (plus de 50 000 €, plus de 150 000 €...), ou encore ceux ayant opté pour un mandat de gestion. Objectif : les inciter à orienter leurs versements sur les UC, qui génèrent des frais plus élevés que ceux ponctionnés sur les fonds en euros. Autre avantage pour les compagnies : leur collecte nécessite bien moins de fonds propres dans leur bilan comptable pour satisfaire aux règles prudentielles de solvabilité. Un autre mécanisme jugé « inégalitaire » fait grincer des dents. Une compagnie peut inclure un même fonds en euros dans différents contrats d’assurance-vie et décider de privilégier certains clients à l’heure de redistribuer les bénéfices. Exemple : Navig’options, le contrat grand public du Crédit mutuel de Bretagne et du Sud-Ouest, doit se contenter de 0,5 %, quand celui destiné aux clients plus fortunés, Excelcius vie, sert 1,15 %. Or tous les deux reposent sur un même et unique fonds, géré par Suravenir. C’est un peu comme si vous touchiez un dividende différent sur une même action cotée selon le courtier gérant votre compte titre. « Une technique qui est autorisée par la loi, déplore Jean-François Filliatre, fondateur de Marchesgagnants.com, également membre de la commission pratiques commerciales de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Il faudrait communiquer aux assurés la performance financière réalisée par leur fonds en euros, le taux de redistribution, les sommes mises en réserve… Les dispositions de la loi Pacte en faveur de plus de transparence, avec la publication des rendements de tous les contrats sur les sites des assureurs, se soldent pour l’heure par un échec. » Le placement préféré des Français est aussi le plus opaque de tous.