PAR MILENA AGUS, TRAD. DE L’ITALIEN PAR MARIANNE FAUROBERT. LIANA LEVI, 176 P., 16 €.
Cela se passe en Sardaigne, dans un village sinistré, près de Cagliari, mais pourrait se dérouler dans n’importe quelle bourgade désertée par ses forces vives, parties s’exiler sans plus se retourner ni donner de nouvelles. Tout commence par l’arrivée des « envahisseurs », soit de nombreux migrants noirs et quelques humanitaires blancs. La peur tétanise les habitants, tandis que les réfugiés s’installent dans la Ruine, une ancienne demeure délabrée. Les femmes du village tentent une démarche auprès du maire, barricadé dans son bureau. Rien n’y fait. Alors ? Alors, « curieuses et un peu commères », la narratrice et quelques-unes de ses congénères vont s’aventurer du côté du campement, apporter des seaux, de la vaisselle dépareillée. Le tout sous l’oeil courroucé des « Autres », leurs mères, maris, voisines, qui condamnent ces trahisons. Le village se scinde en deux camps. Reste qu’avec les migrants, c’est bel et bien la vie qui reprend le dessus. Pas de niaiserie pour autant sous la plume subtile et humoristique de la Sarde Milena Agus. Tous les réfugiés ne sont pas aimables : le Syrien Saïd est toujours de méchante humeur, Mahmoud est l’enfant le plus antipathique du monde, et les « Grincheux noirs » refusent d’apprendre la langue, tant ils désirent rejoindre « la véritable Europe ». De même, les membres de l’ONG – un professeur d’université, un ex-gérant de sex-shop, un délinquant repenti… – sont-ils croqués avec bonheur. Tout est formidable dans cette radioscopie, petit bijou signé par l’auteure de Mal de pierres (2007) qui s’est attachée à décrire ces hommes et ces femmes, leurs contradictions, leurs petitesses… et leurs élans du coeur.