La résilience, cache-sexe de l’impuissance
Suivant les codes de la publicité, les intitulés des lois se veulent de plus en plus positifs, ce qui révèle un malaise politique.
Printemps 2026. Ebullition à l’Assemblée nationale : le ministre délégué au Contrat gagnant-gagnant et son secrétaire d’Etat au Rêve durable saluent le vote de la loi sur la mise en place du bonheur éternel pour tous. On divague ? Peut-être, mais le fait est que les mots à connotation positive s’invitent de plus en plus dans les intitulés officiels. Sur le site du gouvernement, la loi climat, présentée le 10 février, répond au doux nom de loi « climat et résilience », diminutif évocateur pour « le projet de loi contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », son énoncé complet. Le psychiatre Boris Cyrulnik pourra constater la fécondité inattendue de son concept de « résilience ». Il s’agit, selon Le Robert, de la « capacité à surmonter les chocs traumatiques ». Du climat ou des Français, on ne sait pas très bien qui est ici traumatisé. Mais qu’importe, le procédé, emprunté au monde de la publicité, se veut performatif : parer un projet de vertus, ce serait donner envie, et donc déjà améliorer un peu le réel. Jusqu’alors, les cerveaux macroniens avaient plutôt choisi d’exalter la confiance retrouvée, avec la loi pour la confiance dans la vie politique, en 2017 (davantage « feel good » que « loi de moralisation »), puis la loi pour un Etat au service d’une société de confiance, en 2018. A l’heure où la défiance envers les gouvernants atteint des records, ce choix fleure la méthode Coué. Ou la diversion. Car, en réalité, l’intitulé ronflant indique presque à coup sûr la difficulté politique. Déjà, sous François Hollande, précurseur en la matière, il avait été décidé d’affubler les ministres chargés des secteurs les plus à la peine de dénominations triomphantes. En 2012, Arnaud Montebourg avait été nommé au « redressement productif », tandis que George Pau-Langevin avait pris en main la « réussite éducative ». Sans que ces qualificatifs tonitruants ne provoquent de sursauts spectaculaires. Tel est bien le risque encouru par la loi climat : que la « résilience » autoproclamée recouvre un constat d’impuissance.