L'Express (France)

Nicolas Hulot, la mauvaise conscience verte de Macron

Le projet de loi sur le climat sera bientôt présenté à l’Assemblée. L’ombre de l’ancien ministre d’Etat pèse sur les débats et nuit gravement à la santé de la majorité.

- ÉRIC MANDONNET

Le coucou est ressorti de son nid à la veille de la présentati­on en conseil des ministres du projet de loi Climat et résilience. Invité de l’émission Quotidien sur TMC le mardi 9 février, Nicolas Hulot a déclaré à propos d’Emmanuel Macron : « On n’est pas fâchés, on est déçus de ne pas s’être mieux compris. » On se pince, on se dit qu’à l’approche de la SaintValen­tin l’heure est sans doute à la confusion des sentiments ou alors à la rediffusio­n d’un énième épisode de Santa Barbara. « Pas fâchés, déçus ». Il s’agit là d’un ex-ministre d’Etat parlant de ses relations avec un président de la République. L’explicatio­n qui s’ensuit est à la hauteur : « Probableme­nt avait-il des injonction­s contradict­oires à satisfaire, continue Hulot, une sensibilit­é différente de ce qu’est vraiment l’urgence. Et peut-être n’avait-il pas la même conviction que la transition écologique n’est pas une adaptation, mais une transforma­tion du modèle. » Cette fois, on songe à la manière dont feu Jean-Pierre Bacri avait évoqué un jour l’attitude de Nicolas Hulot ministre : « Pauvre chou ! Il a découvert les lobbys, il croyait que les gens avaient de la mauvaise volonté et qu’ils voulaient polluer, c’est cela qu’il pensait jusqu’à maintenant ? Il a fallu qu’il aille au gouverneme­nt pour s’apercevoir qu’il y a des employeurs qui ont 400 000 ou 500 000 salariés en France et qui disent au gouverneme­nt : “Vas-y, fais-la ta mesure contre la pollution, et je mets tout le monde dehors après.” » En effet, on ne peut rien cacher à Nicolas Hulot, surtout maintenant qu’il a vu le pouvoir de près : oui, il a tout à fait raison, un chef de l’Etat est soumis à des « injonction­s contradict­oires ». Dire que personne ne l’avait prévenu… Et il fallait sans doute une sagacité politique exceptionn­elle pour prendre conscience qu’Emmanuel Macron n’avait pas, en 2017, la même « sensibilit­é » ni les mêmes « conviction­s » que les siennes. Que Nicolas Hulot soit déçu par le texte, cela paraît normal. « Ce que les experts nous disent, c’est que ce projet de loi en l’état n’est pas à la hauteur des enjeux et de nos engagement­s », déclare-t-il dans Le Monde du 7-8 février. Qu’il s’appuie sur les experts peut interpelle­r, d’autant que Le Point a montré que la fondation qui porte son nom n’hésite pas à jongler avec les chiffres de manière parfois déconcerta­nte. Mais on concédera que c’est le rôle des ONG que d’être exigeantes. Pérorer plutôt qu’agir, c’est un choix. Mais lui, Hulot, qui a préféré jeter l’éponge, d’où parle-t-il ? Il fait la fine bouche sur la révision constituti­onnelle envisagée par Emmanuel Macron : « Sur le fait de parvenir à réunir les deux chambres avec un texte qui ne soit pas simplement symbolique, je n’en mettrais pas ma main au feu, non plus, lance-t-il dans son interview au Monde. On n’a pas besoin seulement de symboles, on a besoin de leviers, notamment juridiques, pour pérenniser l’action. Cela serait un acte structuran­t d’inscrire cette phrase dans la Constituti­on. » Quelques mots qui viendraien­t s’inscrire dans l’article 1 de notre texte fondateur, certifiant que la France « garantit la préservati­on de l’environnem­ent et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglemen­t climatique ». Sauf que Nicolas Hulot ministre s’était battu pour un autre verbe, « favoriser », et qu’il avait obtenu gain de cause en imposant ses vues. Aujourd’hui, seul le verbe « garantir », aux conséquenc­es juridiques beaucoup plus importante­s, au point d’avoir été contesté par le conseil d’Etat, serait-il devenu acceptable ? C’est le premier des Marcheurs, Stanislas Guérini, délégué général de LREM, qui avoue sans ambages : « J’ai tendance à penser que cette nomination a été une formidable erreur. C’est celui qui nous a fait le plus de mal. Il n’a pas été à la hauteur de la tâche, il a refusé d’affronter le réel. C’est l’homme aux slogans, l’écologie d’interview sur papier glacé. » Un ancien ministre d’Emmanuel Macron le reconnaît en privé : « Nicolas Hulot est le boulet du mandat. Il voulait convertir le président à l’écologie dans une optique quasi religieuse, il me l’avait dit. »

« Il n’a pas été à la hauteur de sa tâche et a refusé d’affronter le réel »

Mais si l’ancien ministre est devenu la mauvaise conscience verte de l’exécutif, à qui la faute ? Depuis Jacques Chirac, tous les chefs de l’Etat, sans exception, ont enchaîné les courbettes devant le si populaire et médiatique producteur d’Ushuaïa. « Quatre présidents sont tombés dans le panneau », confesse un ministre. C’était à celui qui recueiller­ait en premier l’onction hulotienne et, à ce jeu, Emmanuel Macron s’est révélé le plus persuasif. Lui saurait décrocher le trophée ! On connaît la suite. Dans Les Visiteurs du soir, un livre de Renaud Revel (Plon), Guillaume Durand raconte une anecdote savoureuse. Reçu par François Mitterrand, le journalist­e recommande à ce dernier d’accorder un entretien à Nicolas Hulot. « Hulot ? Un agité, un hurluberlu, sans idées ni épaisseur », répond le président, qui finit néanmoins par le recevoir. Le jour J, l’animateur et producteur entre, patiente pendant que François Mitterrand lit des notes. Et finit par l’entendre dire : « Si vous pouviez repasser un autre jour, je n’ai pas le temps de vous parler. »

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Selon Stanislas Guérini (LREM), « sa nomination a été une formidable erreur ».

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