Canada Les caprices de la gouverneure
Odieuse, la représentante de la reine Elisabeth II qui, à ce titre, est la cheffe de l’Etat, a dû démissionner. Le scandale éclabousse Justin Trudeau.
Il est rarissime qu’un chef d’Etat soit poussé à la démission pour cause de harcèlement moral. C’est pourtant ce qui est arrivé le 21 janvier dernier en Amérique du Nord, avec le départ forcé de Julie Payette, la gouverneure générale (GG) du Canada. Auréolée de gloire, cette ex-astronaute de la Nasa de 57 ans occupait depuis 2017 cette fonction, essentiellement honorifique : dans ce pays du Commonwealth, le GG n’exerce pas le pouvoir, mais il représente la reine d’Angleterre et du Canada. Cette dernière est la cheffe de l’Etat, tandis que Justin Trudeau est celui du gouvernement. Or, depuis sa prise de fonction, la représentante d’Elisabeth II s’est comportée en tyran. Selon un rapport indépendant rendu public, la surdouée des étoiles était une sous-douée des ressources humaines, qui faisait régner un « climat de terreur » à Rideau Hall, siège de l’institution à Ottawa. Sur 92 fonctionnaires, 43 y décrivent une atmosphère « hostile » ou « négative », tandis que 26 autres parlent d’une « ambiance toxique » ou « empoisonnée ». Seuls dix salariés évoquent une situation « positive » ou « neutre ». Jugée « agressive », Julie Payette exprimait souvent – parfois en éructant – des « commentaires dévalorisants ». Elle était aussi adepte des humiliations en public. En janvier, elle a dû démissionner. Du jamais-vu. Certes, avant tout, le GG inaugure les chrysanthèmes, mais il promulgue aussi les lois et joue le rôle d’arbitre lorsque le gouvernement perd la confiance des députés – or celui de Trudeau, minoritaire depuis 2019, vit sous la menace d’un vote de défiance qui pourrait l’obliger à démissionner. C’est là qu’entrerait en scène le gouverneur général, chargé de valider la dissolution de la Chambre des communes. En l’absence de chef de l’Etat, le juge en chef de la Cour suprême, en l’occurrence Richard Wagner, assure l’intérim. « Problème, les magistrats sont censés être indépendants du pouvoir, rappelle Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’université Laval, à Québec. Or le juge Wagner devra bientôt signer une loi sur l’aide médicale à mourir. Ceux qui voudraient la contester devront s’adresser à… la Cour suprême ! » L’affaire galvanise les opposants à la monarchie, nombreux. Selon un sondage, 3 Québécois sur 4 considèrent la fonction de gouverneur général anachronique. Le tabloïd Le Journal de Montréal a calculé le coût annuel de ce poste pour les contribuables : 36 millions d’euros. « Le scandale Julie Payette contribue à faire pâlir l’étoile de Justin Trudeau », estime le politologue Eric Montigny. C’est en effet lui qui l’avait proposée et intronisée en 2017, espérant faire un « coup politique ». Plutôt raté.