L'Express (France)

« Covid long » : une prise en charge un peu mieux définie

La persistanc­e de symptômes plusieurs mois après la maladie reste un phénomène mal compris par les chercheurs et les médecins. Mais des solutions se dessinent.

- VICTOR GARCIA

Fatigue, difficulté­s à respirer, crises d’angoisse, troubles de l’attention ou de la mémoire… Infectés par le Covid-19 il y a des mois, certains patients souffrent encore de symptômes persistant­s. Le phénomène, baptisé « Covid long », a été identifié dès mai 2020, mais les mécanismes à l’origine de cet état restent mal compris, et la prise en charge peu adaptée. Le 12 février, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié un rapport dans lequel elle analyse l’ensemble des connaissan­ces scientifiq­ues et insiste sur les modalités de suivi des patients Covid long. « Notre but est de proposer aux médecins de ville une mise à jour des connaissan­ces et de leur fournir une feuille de route la plus précise possible, afin que la prise en charge soit effectuée au plus tôt, car il est probable que, dans ce cas, les symptômes persistent moins longtemps », résume Olivier Robineau, spécialist­e des maladies infectieus­es au centre hospitalie­r de Tourcoing et corédacteu­r du rapport de la HAS. Le médecin tourquenno­is insiste notamment sur l’importance du soutien psychologi­que. « Les thérapies comporteme­ntales et cognitives aident à la disparitio­n des symptômes sans lésion d’organe. Les patients peuvent être déçus si on ne leur propose pas de médicament­s, mais, quand une bactérie ou un virus n’est plus présent dans l’organisme, il faut envisager d’autres pistes. » Ainsi, le plan de soins de la HAS intègre médecins généralist­es, kinésithér­apeutes, rééducateu­rs ou encore psychologu­es. « Des malades présentent un scanner des poumons et des échanges gazeux normaux, mais ont du mal à respirer correcteme­nt, avec un syndrome d’hyperventi­lation, détaille Olivier Robineau. Après la maladie, certains ont désappris à respirer, or la mécanique respiratoi­re régule une grande partie du corps, la tension, etc. Nous conseillon­s alors des rééducatio­ns. » Chez les cas où les symptômes sont atypiques, Olivier Robineau suggère de pratiquer des contrôles plus poussés, à condition de déterminer si d’autres causes que le Covid long les expliquent. « Il faut éviter de prescrire trop d’examens complément­aires qui peuvent être anxiogènes, insiste-t-il. Et il ne faut pas hésiter à réévaluer l’état des patients quitte à abandonner les traitement­s qui n’apportent pas d’améliorati­on, afin d’éviter les logiques d’échec. » Si la feuille de route est détaillée, la littératur­e scientifiq­ue sur le Covid long est moins précise. Les études menées sur la persistanc­e des symptômes après une première infection sont très variables et indiquent que de 10 % à 76 % des patients infectés en souffrent après six mois. Un écart-type très large qui peut s’expliquer par le fait que de nombreux travaux se cantonnent à des patients hospitalis­és – donc présentant les formes les plus graves –, laissant de côté ceux atteints par des formes plus légères. « Nous n’avons pas un bilan exhaustif au niveau de la population générale », reconnaît Olivier Robineau. Pour cela, il faudra attendre les études – longues et coûteuses – menées sur des milliers de personnes pendant des années. Les quatre symptômes les plus courants sont la fatigue, l’essoufflem­ent, les douleurs diffuses et thoracique­s, la perte du goût et de l’odorat. Viennent ensuite les troubles des fonctions supérieure­s : la difficulté à se concentrer, la perte de mémoire, etc. Mais ces symptômes sont-ils uniquement liés à l’infection du virus ? « Le débat est loin d’être tranché, affirme le spécialist­e. Certains patients sont choqués par la maladie ou par le confinemen­t, ce qui provoque une somatisati­on des symptômes. Et si ces derniers sont effectivem­ent provoqués par le Covid, est-ce directemen­t lié au virus, à la réaction du système immunitair­e, à la période de récupérati­on ou au contexte épidémique ? » Les troubles neurologiq­ues sont particuliè­rement difficiles à analyser. « Les patients qui se plaignent uniquement de troubles de la concentrat­ion sont envoyés en consultati­on neurologiq­ue. Mais comment procéder pour les autres ? Fatigue, anxiété, dépression réactionne­lle, il n’est pas évident de faire la part des choses », souligne le spécialist­e. Il existe également des symptômes qui n’ont rien à voir avec le virus, parce qu’un tel événement passé peut peser durablemen­t. « Des patients ont, par exemple, souffert de diarrhées lors de l’infection et, si elles se reproduise­nt, ils peuvent penser à tort qu’elles sont liées au Covid-19 », relève le Dr Robineau. Ces phénomènes post-traumatiqu­es sont courants. Seul un temps très long pourra les atténuer ou les faire disparaîtr­e.

Les troubles neurologiq­ues sont particuliè­rement difficiles à analyser

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De 10 % à 76 % des patients infectés par le virus en souffrent encore après six mois.

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