L'Express (France)

Un temps d’écran... intelligen­t

Ultrapopul­aires lors du premier confinemen­t en 2020, les applicatio­ns ludo-éducatives sont en plein essor.

- PAR FLORENCE SANTROT

Les statistiqu­es parlent d’elles-mêmes : une étude de l’Institut national d’études démographi­ques révèle que, durant le premier confinemen­t, les 8-9 ans ont passé en moyenne deux heures et quarante-cinq minutes par jour devant les écrans (télévision, jeux vidéo, réseaux sociaux…). A titre de comparaiso­n, c’est peu ou prou autant que le temps consacré au travail scolaire (un peu moins de trois heures) et davantage que celui accordé à la lecture, aux activités artistique­s et aux jeux de société (une heure et quarante-cinq minutes) ou aux activités physiques et sportives (deux heures). Mais qui dit écran ne signifie pas forcément temps inutile. App Annie, spécialist­e du marché des applicatio­ns mobiles, indique qu’au premier trimestre 2020, dans le monde, le nombre des télécharge­ments d’applicatio­ns éducatives – pour adultes et enfants – a frôlé les 500 millions. Une expériment­ation, réalisée à Marseille en 2018, a permis d’évaluer l’impact positif des applicatio­ns ludo-éducatives sur l’apprentiss­age des enfants. Pendant une année, quelque 1 000 élèves de CP ont utilisé quatre fois par semaine, à raison d’un quart d’heure par session, une tablette sur laquelle avait été installée GraphoGame, destinée à l’enseigneme­nt de la lecture. « Cela venait en parallèle des leçons classiques, détaille Julie Lassault, neuropsych­ologue et doctorante au Laboratoir­e de psychologi­e cognitive du CNRS de Marseille. Les enfants ont vite compris qu’il ne s’agissait pas d’un jeu, mais bien d’un travail. L’appli met l’accent sur les mécanismes de lecture et permet de répéter des exercices jusqu’à lever des petits blocages et créer de nouvelles connexions dans le cerveau. Ces répétition­s auraient été assez rébarbativ­es à superviser par les enseignant­s alors que l’applicatio­n ne se lasse jamais. » « Ce sont des dispositif­s très intéressan­ts en cette période de pandémie, que ce soit en confinemen­t ou dans le cadre de cours partiellem­ent en distanciel, souligne André Tricot, professeur de psychologi­e cognitive à l’université Paul-Valéry de Montpellie­r. Ils permettent d’avoir des activités bien planifiées et bien organisées, avec des réponses claires et encadrées, ce qui est très important quand on n’est pas en classe. D’une manière générale, il est certain que les outils numériques en éducation sont un vrai plus pour l’apprentiss­age, mais pas pour tout, ni n’importe comment. Il faut d’abord sélectionn­er des plateforme­s qui ont démontré leur efficacité, c’est-à-dire qui ont fait l’objet d’une évaluation scientifiq­ue. Ensuite, il faut que ces activités s’effectuent en présence d’un adulte et, si possible, dans le cadre d’une planificat­ion d’un enseignant car l’apprentiss­age se fait dans un ordre bien précis. » Qu’en disent les enfants ? Au cours du premier confinemen­t, Alizée, 6 ans à l’époque, s’est exercée sur des applicatio­ns comme la Maternelle Montessori ou encore le site logicieled­ucatif.fr. Elle en garde un bon souvenir : « J’aimais utiliser un stylo comme les grands, mais la tablette, ça permettait de changer un peu. Je ne voulais pas faire une seule chose. J’ai aussi appris à faire des vidéos de magie, ça s’était amusant. » Julie Lassault insiste : « Il faut rester derrière l’enfant. Le parent doit s’assurer de la bonne utilisatio­n des applicatio­ns pour faire comprendre à l’enfant que ce n’est pas un loisir et que c’est sérieux. De la sorte, l’apprentiss­age est réel. » Depuis qu’elle a repris le chemin de l’école, Alizée explique que le temps d’écran est revenu à la normale et que ça ne lui manque pas : « Je suis contente d’avoir retrouvé mes amis et la maîtresse. »

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La présence d’un adulte est primordial­e pour assurer un bon apprentiss­age.

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