Paprec, l’éboueur devenu roi du recyclage
En vingt-cinq ans d’existence, l’entreprise familiale s’est imposée comme un leader du secteur. Très ambitieux, le groupe de La Courneuve est en embuscade dans le dossier Suez-Veolia.
C’est peut-être le plus grand combat de sa vie professionnelle. La formule est un brin pompeuse, mais elle colle parfaitement au sentiment qui habite Jean-Luc Petithuguenin. Depuis cinq mois, le président du leader français du recyclage, Paprec, est sur le pied de guerre. Il observe, attentivement, l’interminable feuilleton du rachat de Suez, dont il pourrait être l’un des gagnants collatéraux. Pour peu, bien sûr, que Veolia, le groupe d’Antoine Frérot, réussisse à racheter son rival, il devra céder des actifs dans le secteur du déchet afin de donner des gages aux autorités de la concurrence. Alors, Jean-Luc Petithuguenin est en embuscade. « Je suis comme un athlète qui s’entraîne pour les Jeux olympiques », confie le principal intéressé, 63 ans, qui nous reçoit dans ses bureaux du VIIIe arrondissement de Paris. Son groupe a quelques atouts à faire valoir. « Veolia a parlé d’un repreneur industriel, avec une stratégie de long terme. Nous cochons toutes les cases », analyse le dirigeant. Et pour avaler quelques-uns des morceaux saillants cédés en route par l’ex-Générale des eaux, Paprec est prêt à investir une somme rondelette, entre 1 et 2 milliards d’euros. Le prix pour s’installer de façon incontournable dans le paysage du déchet. Et couronner, en quelque sorte, l’ambition débordante de son président depuis qu’il a repris cette PME francilienne en 1994. Employant 45 salariés à cette époque, Paprec pèse désormais 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires et fait travailler 10 000 personnes sur l’ensemble du territoire. Un modèle d’hypercroissance rare mais enthousiasmant pour une France qui jalouse souvent le Mittelstand allemand. « C’est une très belle histoire », reconnaît un concurrent. Un cheminement qui doit beaucoup à la vision de son fondateur. A la fin des années 1990, et alors que le traitement de nos ordures était un métier encore très artisanal, cet ex-cadre de la Générale des eaux a fait le pari (avec d’autres) que le secteur allait s’industrialiser au galop. « Je me sentais comme Henry Ford dans les années 1910 », s’amuse le chef d’entreprise. Vingt-cinq ans plus tard, c’est devenu une évidence. Une visite du site de Paprec, France Plastiques Recyclage, à Limay (Yvelines), suffit à à s’en convaincre. Près de 45 000 tonnes de bouteilles usagées y transitent tous les ans pour être recyclées, transformées en granulés puis revendues aux industriels pour qu’ils fabriquent de nouvelles bouteilles. Sur place, on déambule entre les appareils de tri optique infrarouge et les automates à technologie laser pour détecter les microdéfauts du plastique. Une mécanique de haute précision, gourmande en capitaux. Chaque année, l’entreprise passe un échantillon de ses 210 sites au peigne fin pour les mettre à niveau, déboursant jusqu’à 25 millions d’euros par usine. « Il y a trente ans, vous pouviez solliciter votre grand-mère pour acheter deux camions de collecte et lancer votre business. Aujourd’hui, il faudrait plutôt s’adresser à la famille Rothschild. Il y a un appel à la concentration du marché », observe Jean-Luc Petithuguenin. Cette tendance, il en a été l’un des principaux moteurs en France. A ses débuts, Paprec se cantonnait au métier de recycleur, proposé notamment aux entreprises privées. Un positionnement malin, au vu du tropisme de Suez et Veolia auprès des collectivités et dans le secteur de l’enfouissement et de l’incinération des déchets. Un quart de siècle et 60 acquisitions d’entreprises plus tard, le groupe est désormais un acteur présent sur tout le territoire hexagonal et sur l’ensemble de la chaîne de valeur. « Il y a beaucoup de pure players dans le déchet, Jean-Luc Petithuguenin a toujours eu la volonté d’intégrer les différents métiers », reconnaît un adversaire. Et notamment en 2016, lorsque le dirigeant arrache Coved Environnement – filiale de déchets de la Saur (groupe français du secteur de l’eau et de la propreté) –, des mains du géant allemand Remondis et au fonds d’investissement LBO France. Une opération à 250 millions d’euros grâce à laquelle Paprec change d’échelle, passant de 4 000 à 8 000 salariés et franchissant le cap du milliard d’euros de revenus. Un saut financier notable qui lui permet aussi de se positionner sur le marché de la collecte, bien que cette activité soit réputée moins rentable. « Pour un recycleur, il est important de prendre la main sur le volume des déchets entrants, qui