Economiser grâce à la tech
Donald Trump n’a pas tout mal fait. Dans sa frénésie de dynamitage systématique des acquis de l’administration Obama, il a discrètement épargné une agence fédérale peu connue : le United States Digital Service (USDS). C’est Jared Kushner qui avait soufflé à son beaupère de ne pas toucher à ce bureau qui a permis des économies colossales sur les dépenses publiques. L’anecdote est racontée par Matt Cutts, administrateur de l’USDS, qu’il a rejoint en 2017, après dix-sept ans passés au sein de Google, où il est crédité d’avoir développé les fonctions antispams, antipornographie de la firme et déposé une douzaine de brevets. La mission de l’USDS est de s’attaquer aux services du gouvernement qui ont le plus d’impact sur l’économie – et sur les dépenses de l’Etat – par exemple le financement du système de santé public, qui pèse pour 4,5 % du PNB américain. Ou encore le département de la Défense, connu pour son insondable gabegie. Il y a deux ans, en une seule réunion devenue célèbre, l’USDS a fait économiser 98 % des 100 millions de dollars que le ministère des Anciens combattants s’apprêtait à débourser pour moderniser son informatique. Au lieu d’un processus de commande publique antédiluvien selon lequel les contrats sont répartis entre les grands fournisseurs du Pentagone, l’USDS a décidé, après un bref tour du marché, de déployer l’infrastructure de la Veterans Administration au sein d’Amazon. Selon Matt Cutts, deux éléments ont joué un rôle dans l’efficacité de ce « commando » de 180 personnes. Le premier est une délégation de pouvoir absolue, qui, dans le cas du Pentagone, est conférée par le secrétaire à la Défense. Le second est le type de recrutement, fondé sur le concept du
« serving and returning »,
les meilleurs de la tech américaine abandonnent gros revenus et avantages pendant deux ou trois ans, mais obtiennent un déplafonnement de leurs salaires, ce qui permet à l’USDS de les payer jusqu’à 164 000 dollars par an. En France, une telle approche provoquerait une éruption syndicale soutenue par les inquisiteurs de la souveraineté numérique, qui ne supportent même pas qu’un éphémère employé de Google devienne membre du CSA. On en est là.