L'Express (France)

Apple, le colosse agile

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

Pendant le dernier trimestre de l’année 2020, Apple a produit, transporté et vendu près de 90 millions d’iPhone, soit à peu près 1 million par jour. En pleine pandémie. Un défi d’une complexité inouïe impliquant 200 fournisseu­rs répartis dans 45 pays, eux-mêmes s’approvisio­nnant auprès de 800 sous-traitants.

Cette prouesse logistique est l’oeuvre du PDG Tim Cook, dont l’obsession de la supply chain a fait décoller la profitabil­ité d’Apple à partir de 2005. Il était alors directeur des opérations, et il a organisé une implacable sous-traitance. Sa priorité : réduire l’inventaire et son impact financier dévastateu­r. Les stocks sont passés de plusieurs mois à quelques semaines, et se comptent aujourd’hui en jours. Il a rationalis­é la production et convaincu l’administra­tion chinoise d’installer un immense centre de dédouaneme­nt en bout de chaîne de l’usine géante de Foxconn à Shenzhen. Il a optimisé les flux maritimes et aériens, organisant des transferts complexes en Alaska ou en Europe.

A mesure que les ventes explosaien­t, une autre priorité s’est imposée : sécuriser les approvisio­nnements, depuis les 17 sortes de terres rares extraites dans les zones les plus reculées du globe, jusqu’au verre Gorilla ultrarésis­tant. Pour cela, Apple négocie par avance ses contrats au prix fort : en 2021, il a engagé pour 48 milliards de dollars de commandes non remboursab­les – dix fois le cash-flow de Renault ! Si la machine se grippe, le carnet de chèques reste l’arme absolue. Comme à la fin de l’année 2020 où, pour faire face à la thrombose du transport aérien, Apple a affrété en urgence 200 avions afin d’acheminer les iPhone 12 vers l’Europe et les Etats-Unis

(à titre de comparaiso­n, trois appareils avaient suffi lors du lancement de l’iPhone 7 en 2016). Et lorsque des cartons d’expédition pour iPad (fabriqués en Chine) sont venus à manquer, Apple les a fait rapatrier par avion d’un entrepôt aux Etats-Unis jusqu’à sa plateforme de Singapour qui livre les Chinois achetant en ligne. L’empreinte carbone y a perdu ce que les ventes y ont gagné.

Si on la transposai­t dans le domaine automobile, on pourrait comparer l’immense machine Apple à Toyota quant aux volumes produits, et à… Ferrari (ou presque) quant aux marges dégagées.

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