L'Express (France)

Silence, on achète !

Pourquoi les politiques critiquera­ient-ils Amazon, plébiscité­e par leurs administré­s?

- PAR AGNÈS LAURENT

Aen croire les déclaratio­ns tonitruant­es de certains à l’automne, Amazon est un sujet éminemment politique. « Amazon se gave », avait alors clamé la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, toute à la défense des librairies indépendan­tes. « N’achetez pas sur Amazon », avait ajouté Anne Hidalgo, la maire de Paris. D’autres avaient suivi en lançant une pétition, et des voix s’étaient élevées pour demander un moratoire sur l’installati­on de nouveaux entrepôts dans le cadre de la loi sur le climat. Depuis, le soufflé est retombé. Etrange accalmie au regard de la place qu’occupe la plateforme dans nos vies quotidienn­es.

En réalité, les politiques ne font que suivre ce qu’ils perçoivent de leurs électeurs. Le sondage exclusif qu’a réalisé l’Ifop pour L’Express le démontre : Amazon est la chose la mieux partagée. Quelle que soit leur sensibilit­é idéologiqu­e, les Français la trouvent « utile » et y recourent régulièrem­ent. Y compris 68 % des sympathisa­nts de La France insoumise. Et plus encore ceux du Front national : 71 % lui octroient un rôle social, et 38 % – soit 8 points de plus que la moyenne – y passent des commandes au moins une fois par mois. « C’est un électorat jeune, qui recherche le prix et envisage la consommati­on en termes de way of life. L’entreprise est un marqueur social », analyse Jérôme Fourquet, directeur du départemen­t opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop. Seuls les partisans revendiqué­s de l’écologie se distinguen­t : ils sont nettement moins nombreux à juger le site utile (54 %), et « seulement » 19 % à y effectuer des achats mensuellem­ent. Mais même parmi ces adeptes de la sobriété, voire de la décroissan­ce, le rejet n’est pas total.

Dès lors, les politiques avancent à pas comptés. Ils crient lorsqu’ils ne peuvent pas faire autrement, mais ne tirent pas à boulets rouges. Ils auraient pourtant des raisons de le faire – la fiscalité, l’environnem­ent –, mais pourquoi s’en prendraien­t-ils à un service utilisé chaque mois par un tiers de leurs électeurs ? S’ils sont élus locaux et si un projet de base logistique émerge dans leur commune, l’embarras est plus grand encore. Doivent-ils accepter ces créations d’emplois qu’Amazon sait si bien mettre en avant ? Ou les refuser au nom de principes dont leurs administré­s n’ont cure dès lors qu’ils sont consommate­urs ? Il est plus aisé d’opter pour un prudent silence. Surtout à quelques mois des élections régionales et à un an de la présidenti­elle. Ce n’est pas Amazon qui s’en plaindra.

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