« Islamo-gauchisme » : mauvaise coiffe, vrai problème
La formule, outrancière, ne distingue pas la croyance de l’idéologie. Elle accole l’étiquette « islam » à un débat bien plus large.
Il y a des mots qui chantent plus qu’ils ne parlent, disait Paul Valéry. « Islamo-gauchisme » est de ceux qu’on lance à la fin d’une engueulade politique, tel un claquement de porte tapageur. C’est en ce sens que la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, vient de l’utiliser, pour contester les méthodes d’un certain nombre de chercheurs engagés.
Le problème, c’est que, si l’idéologie dont il est question mériterait bien des analyses approfondies, l’expression en elle-même est absolument piégée. Parce qu’elle est outrancière, mais, surtout, parce qu’elle reproduit ce qu’elle est censée dénoncer. Le terme a été inventé au début des années 2000 par PierreAndré Taguieff pour qualifier une alliance militante entre des religieux et des groupuscules d’extrême gauche autour de la question palestinienne.
Aujourd’hui, il désigne souvent cette partie de la gauche de la gauche atteinte d’une cécité troublante dès qu’il est question de l’islamisme et de ses manifestations extérieures. Ses tenants ont pris l’habitude de confondre islam et islamisme, la croyance dans un livre saint et le zèle ultraconservateur. Ne leur parlez pas du voile ou ils vous nommeront « islamophobe ». Cependant, le mot « islamo-gauchisme » porte lui aussi cette ambiguïté. Pourquoi cette épithète, « islamo », alors même que ce n’est pas la pratique d’un culte qui est ici en cause ? Et pourquoi coiffer sous la même bannière « islamisante » des mouvances très différentes, qui peuvent aller de l’internationalisme au décolonialisme ? Cette équivoque transforme ce qui devrait être un débat exigeant en un concours d’invectives où chacun tente de discréditer l’adversaire idéologique. OEcuménico-navrant.