Les fonds activistes mettent-ils les entreprises en péril ?
De plus en plus de groupes subissent les assauts de ce nouveau type d’actionnaires. Reflet d’une logique purement financière ou rappel à l’ordre nécessaire ?
OUI / ILS RECHERCHENT UNE VALORISATION BOURSIÈRE MAXIMALE
S’il faut une réponse tranchée, je répondrai par l’affirmative… Depuis les années 1990, nos entreprises ont connu de profonds bouleversements. Dans le sillage de la globalisation, de nouveaux actionnaires, les fonds d’investissement, sont entrés dans leur capital. Pour autant, les piliers traditionnels du capitalisme à la française n’ont pas disparu : les blocs d’actions détenus par des familles ou des sociétés non financières restent courants. On a donc aujourd’hui un système hybride, où coexistent des logiques qui ne sont pas forcément conciliables.
Les fonds d’investissement, c’est bien compréhensible, veulent avant tout faire fructifier l’épargne de leurs clients. Ils recherchent donc une valorisation boursière maximale. C’est dans ce contexte que s’est développé « l’activisme actionnarial », tel qu’on le voit à l’oeuvre chez Danone. Comme le résume Jan Bennink, conseiller du fonds Artisan Partners, qui souhaite le départ du patron du géant de l’alimentation, le groupe n’a pas trouvé « le bon équilibre entre la création de valeur pour l’actionnaire et les questions de durabilité ». On observe pourtant que sa rentabilité financière est, depuis dix ans, supérieure à 10 % – au-dessus de la moyenne du SBF 120…
Le danger réside dans l’idée que seuls les fonds activistes – et derrière les marchés boursiers – auraient les idées claires et légitimes en matière de stratégie, face à des directions « archaïques ». Les entreprises sont des entités où interagissent des intérêts divergents, qu’il revient à leurs patrons d’arbitrer. La valorisation boursière reflète avant tout l’intérêt des actionnaires, qui ne saurait se confondre avec celui de l’entreprise.
Pour s’en convaincre, on notera quelle fut la réaction des marchés à la suite de l’annonce, le 30 septembre 2018, des résultats de trois études sur la mise en place d’un quota d’administratrices dans les sociétés californiennes : une baisse significative des cours bousiers… Alors même que l’on se réjouit, en France, des succès de la loi Copé-Zimmermann, passée il y a dix ans et instaurant ce type de contingent. Voilà qui fait réfléchir… Antoine Rebérioux est professeur d’économie à l’université Paris-VII-Diderot.