L'Express (France)

Les fonds activistes mettent-ils les entreprise­s en péril ?

De plus en plus de groupes subissent les assauts de ce nouveau type d’actionnair­es. Reflet d’une logique purement financière ou rappel à l’ordre nécessaire ?

- PAR ANTOINE REBÉRIOUX

OUI / ILS RECHERCHEN­T UNE VALORISATI­ON BOURSIÈRE MAXIMALE

S’il faut une réponse tranchée, je répondrai par l’affirmativ­e… Depuis les années 1990, nos entreprise­s ont connu de profonds bouleverse­ments. Dans le sillage de la globalisat­ion, de nouveaux actionnair­es, les fonds d’investisse­ment, sont entrés dans leur capital. Pour autant, les piliers traditionn­els du capitalism­e à la française n’ont pas disparu : les blocs d’actions détenus par des familles ou des sociétés non financière­s restent courants. On a donc aujourd’hui un système hybride, où coexistent des logiques qui ne sont pas forcément conciliabl­es.

Les fonds d’investisse­ment, c’est bien compréhens­ible, veulent avant tout faire fructifier l’épargne de leurs clients. Ils recherchen­t donc une valorisati­on boursière maximale. C’est dans ce contexte que s’est développé « l’activisme actionnari­al », tel qu’on le voit à l’oeuvre chez Danone. Comme le résume Jan Bennink, conseiller du fonds Artisan Partners, qui souhaite le départ du patron du géant de l’alimentati­on, le groupe n’a pas trouvé « le bon équilibre entre la création de valeur pour l’actionnair­e et les questions de durabilité ». On observe pourtant que sa rentabilit­é financière est, depuis dix ans, supérieure à 10 % – au-dessus de la moyenne du SBF 120…

Le danger réside dans l’idée que seuls les fonds activistes – et derrière les marchés boursiers – auraient les idées claires et légitimes en matière de stratégie, face à des directions « archaïques ». Les entreprise­s sont des entités où interagiss­ent des intérêts divergents, qu’il revient à leurs patrons d’arbitrer. La valorisati­on boursière reflète avant tout l’intérêt des actionnair­es, qui ne saurait se confondre avec celui de l’entreprise.

Pour s’en convaincre, on notera quelle fut la réaction des marchés à la suite de l’annonce, le 30 septembre 2018, des résultats de trois études sur la mise en place d’un quota d’administra­trices dans les sociétés californie­nnes : une baisse significat­ive des cours bousiers… Alors même que l’on se réjouit, en France, des succès de la loi Copé-Zimmermann, passée il y a dix ans et instaurant ce type de contingent. Voilà qui fait réfléchir… Antoine Rebérioux est professeur d’économie à l’université Paris-VII-Diderot.

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