L'Express (France)

Amazon et moi, par Alain Damasio : je t’aime, moi non plus

- A. L.

L’auteur de science-fiction est très critique à l’encontre du site américain, mais n’a d’autre choix que d’y voir ses livres vendus. Il raconte.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Alain Damasio, le plus connu des auteurs français de science-fiction, ne porte pas Amazon dans son coeur. Lui dont les romans ne cessent de dénoncer le danger de la technologi­e dans nos vies, lui qui a soutenu les gilets jaunes et les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, voit rouge lorsqu’on lui parle de la plateforme américaine. « Quel que soit l’angle que tu prends pour analyser ce qu’ils font, Amazon est une entreprise de fabricatio­n du pire. Quand tu cliques sur ce site Web, tu dois savoir que tu collabores à la pollution terrestre, à la destructio­n directe d’emplois de proximité, à la promotion d’un mode de vie individuel et triste. Et tout ça pour quoi ? Pour acheter des produits qui sont déjà présents dans les magasins existants mais qu’on a la flemme d’aller acheter sur place ! C’est une industrie entièremen­t fondée sur notre paresse », tonne-t-il auprès de L’Express.

« On ne peut éviter Amazon, mais on peut pousser les gens à aller dans une librairie »

Fin 2020, il fut l’un des rares écrivains à signer la pétition « Stop Amazon et son monde », une campagne de communicat­ion qu’il définit comme un « pis-aller, important, mais pas suffisant », lui qui serait prêt à aller beaucoup, beaucoup plus loin. Pourtant, Alain Damasio n’est pas seulement un citoyen aux conviction­s bien ancrées, il est aussi un auteur à succès qui n’a d’autre choix que d’être distribué par Amazon. Très connu des fans de sciencefic­tion, il a écoulé près de 400 000 exemplaire­s de La Horde du Contrevent qui l’a fait connaître, et 170 000 de son récent Les Furtifs (tous deux aux éditions La Volte), chacun récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire.

Présent sur le site américain, le voilà pris dans les tenailles du système qu’il dénonce. « Comme tout citoyen et tout travailleu­r en Occident, nous sommes les produits et les relais rétifs et consentant­s du capitalism­e. Pour Amazon, c’est pareil : nous dépendons ici du système de diffusion-distributi­on de Gallimard, qui bosse avec Amazon, on n’a pas la maîtrise ni le pouvoir d’empêcher ça », poursuit-il. Bien décidé, toutefois, à ne pas trop nourrir la plateforme : « Avec mon éditeur, nous l’avons sous-informée pour Les Furtifs afin de réduire les ventes en ligne chez eux. Comme les livres ont été en rupture régulièrem­ent, les algorithme­s d’Amazon n’ont pas détecté le potentiel de vente. Rien de parfait mais c’est déjà ça. L’alternativ­e serait de vendre nos livres nous-mêmes, en direct dans la rue, mais vous comprenez bien qu’on n’aurait politiquem­ent pas la même force de frappe. »

C’est surtout du côté du consommate­ur qu’il entend porter la lutte : « On ne peut évidemment pas empêcher les gens d’acheter nos livres sur Amazon, mais on peut les encourager publiqueme­nt à utiliser les plateforme­s des libraires français. Les pousser à descendre de chez eux, à faire 500 mètres pour entrer dans une librairie où ils paieront le livre exactement le même prix qu’en ligne – le sourire et la discussion en plus. Il faut combattre chez le consommate­ur sa paresse indigente, la loi du moindre effort qui le travaille, que cet empire exploite et maximise par “l’achat en un clic”. »

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« Une industrie fondée sur notre paresse. »

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