L’atypique nébuleuse des anti-Amazon
La plupart des Français s’accommodent de leurs contradictions, ils ferment les yeux sur leurs engagements de citoyen et laissent leurs pulsions de consommateur prendre le dessus. Avec, parfois, un sursaut. Jusqu’au deuxième confinement, Claire assumait totalement ses achats. La polémique, en novembre, sur les librairies l’a amenée à se fixer comme « barrière psychologique » les biens culturels et les jouets. Voilà pour la théorie. Dans les faits, elle vient d’acheter un rouleau géant de gommettes pour sa fille sur la plateforme. Cécile,végétarienne, mange bio, elle fabrique son compost et roule à vélo, mais ne s’est jamais posé la question de l’impact environnemental des véhicules qui la livrent, même le dimanche. La question sociale l’a davantage troublée… pour un temps seulement : « Quelqu’un m’a dit que, au moins, chez Amazon, il y avait des syndicats, alors… » Lauriane n’a pas ces états d’âme : « Mes derniers achats sur le site, c’était une housse à repasser et un livre. Les acheter ailleurs ? Ce sera au supermarché ou chez Cultura. Quelle différence ? »
En décrivant leur relation à Amazon, les uns et les autres racontent aussi leur désamour des autres circuits de distribution. Ces grandes surfaces commerciales où l’abondance est présente, mais l’humain inexistant. Ces petits commerces aux propriétaires pas toujours aimables et au choix réduit. Ces services après-vente méfiants, où il faut montrer patte blanche avant d’obtenir une réparation. Certes, les confinements de l’année 2020 ont mis en lumière les limites de l’e-commerce et les charmes des « vrais » magasins. On a vu les librairies indépendantes susciter un regain d’intérêt. Pas sûr que les autres boutiques spécialisées y parviennent face au rouleau compresseur Amazon. Sans âme, certes, mais terriblement efficace pour titiller les cordes sensibles de citoyens ayant mis la consommation au coeur de leur vie et de leurs envies. Sans même, parfois, s’en rendre compte.