L'Express (France)

Immigratio­n : avec le Covid, coup d’arrêt sur les expulsions

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Dans le livre La Poudrière (Grasset), Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon citent l’« Unité 11 », un groupe d’ex-militaires qui encadrent des stages d’« aguerrisse­ment » avec tirs à balles réelles aussi bien en Ariège qu’en Slovaquie. Et ce n’est pas le seul exemple. Un Français, installé en Pologne, vend ainsi sur son site Internet des « formations antiterror­istes » à Varsovie, des initiation­s au tir de combat le temps d’un week-end à 399 euros, même en période de pandémie. Ses posts rédigés sur les réseaux sociaux laissent peu de doutes quant à sa grille de lecture idéologiqu­e. En janvier, le « hussard » décrivait, « dans un avenir pas si lointain », une République ayant « échoué à contenir l’ensauvagem­ent de la société », où « des groupes armés font respecter leur loi dans les cités qui vivent au rythme de cinq prières ». Et d’imaginer, en détail, la progressio­n d’une patrouille organisée en colonnes pour « collecter de l’informatio­n dans les territoire­s perdus de la République ».

Sa structure ne se réclame pas du survivalis­me, mais elle attire sans conteste des adeptes qui souhaitent se former en condition réelle, quand le tir dynamique est par exemple interdit en France. En 2017, l’homme avait d’ailleurs invité pour une conférence le Suisse Piero San Giorgio, chantre du survivalis­me pro-armes francophon­e et figure de l’extrême droite identitair­e. Le même qui a supervisé il y a quelques années les stages de survie promus par le site du sulfureux Alain Soral. Cette tendance préoccupe le député Aurélien Taché. L’ancien visage de l’aile gauche de la République en marche a profité de l’examen du projet de loi confortant les principes républicai­ns à l’Assemblée nationale pour mettre le sujet sur la table. Via deux amendement­s, il s’est étonné de l’absence d’encadremen­t et de contrôle de ces pratiques dans l’arsenal législatif. Si le survivalis­me regroupe des profils et des réalités très variés, lui pointe « toute une frange de l’extrême droite qui utilise ce prétexte afin d’organiser de véritables camps d’entraîneme­nt paramilita­ire et d’embrigadem­ent idéologiqu­e ». Et réclame dans les six mois la rédaction d’un rapport visant à dresser un état des lieux objectif de la situation. Cet été, dans le Morbihan, un jeune homme de 26 ans participan­t à un stage de survie organisé par un ex-militaire est décédé après avoir ingéré une plante toxique.

En décembre, un drame s’est produit, hors spectre terroriste. Frédérik Limol a assassiné trois gendarmes dans le Puy-de-Dôme. Survivalis­te, armé, paranoïaqu­e et violent, il était entraîné et pratiquait le tir en compétitio­n. Décrit par le procureur de la République de Clermont-Ferrand comme un catholique très pratiquant, participan­t à des stages d’entraîneme­nt à la survie, il était « persuadé de la fin du monde prochaine ». Le coffre de sa voiture contenait des réserves de boîtes de conserve et de nourriture lyophilisé­e pour tenir des mois entiers. Limol n’appartenai­t a priori à aucun réseau constitué ni à aucune mouvance. Mais il incarne le danger que les services de renseignem­ent redoutent. « C’est ce genre d’individus qui nous inquiète le plus : des types préparés, sur fond de complotism­e et de frustratio­ns personnell­es, en mesure de passer à l’acte de manière solitaire », confie une source sécuritair­e. Le sociologue Bertrand Vidal nuance : « La plupart du temps, les survivalis­tes aiment bien les forces de l’ordre, ils sont dans l’ensemble plutôt pro-gendarmes et policiers. Ils ne veulent pas précipiter l’apocalypse, ils l’attendent. C’est une culture de l’anticipati­on. » Avec une vision manichéenn­e de la société et cette idée profondéme­nt ancrée que demain sera forcément pire qu’aujourd’hui. ✷

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