L'Express (France)

Le (tout) petit pas de l’Assemblée vers le vote à distance pour les députés

Les parlementa­ires devraient voter le 1er mars une adaptation, très prudente, du fonctionne­ment du Palais-Bourbon en période de crise.

- J.-B. D.

Quand il évoque sa réforme du règlement de l’Assemblée nationale, dont la discussion est prévue le 1er mars, Sylvain Waserman (MoDem) a le sens de l’euphémisme : « Il s’agit d’avoir un temps d’avance, que l’on n’avait pas il y a un an », explique à L’Express le vice-président de l’institutio­n, prise au dépourvu par l’épidémie de Covid et le confinemen­t en mars 2020. Après une dizaine de mois de consultati­ons avec tous les groupes politiques du Palais-Bourbon, Waserman a élaboré une « boîte à outils » qui pourra être dégainée si de nouvelles « circonstan­ces exceptionn­elles » empêchaien­t la réunion de l’ensemble des parlementa­ires dans l’Hémicycle. « L’objectif est de garantir que l’on puisse voter un texte sur l’état d’urgence en toute situation », précise l’auteur de la réforme.

La mesure la plus novatrice est la possibilit­é de voter à distance, par voie électroniq­ue, comme au Parlement européen. Une petite révolution dans une maison attachée à ses traditions. A ceci près que ce moyen ne sera employé qu’avec grande parcimonie. Au lieu de s’exprimer sur chaque amendement ou article au fil de l’examen des textes de loi, comme cela se pratique en temps normal, les députés ne le pourront que sur la totalité du texte, au terme de la discussion. « Il y a une certaine solennité du vote. On souhaite limiter l’utilisatio­n de ces outils à des moments importants », justifie Sylvain Waserman. Seul le quota de députés autorisés à être présents in situ pourra toujours se prononcer amendement par amendement.

En mars 2020, Matthieu Orphelin, ex-LREM, avait écrit au président de l’Assemblée pour demander que des séances se tiennent à distance, comme à Bruxelles, afin de limiter les déplacemen­ts pendant le pic de l’épidémie de Covid-19. Mais aujourd’hui, la réforme le laisse sur sa faim. « C’est presque anecdotiqu­e, regrette-t-il. Il y a vraiment une défiance de la part de Richard Ferrand et de ses proches sur les avancées qui permettent le vote à distance. On est très en retard. »

La prudence qui préside à ce toilettage du règlement est aussi stratégiqu­e. La présence physique des parlementa­ires permet à la majorité de vérifier qu’elle est suffisamme­nt mobilisée en séance. Le but est d’éviter de se retrouver minoritair­e ou d’être victime d’un « coup du rideau », cette ruse ancestrale de l’opposition consistant à se cacher aux abords de l’Hémicycle et à entrer en masse au moment d’un vote crucial. Comment garder le contrôle si une ribambelle de scrutins à distance se succédaien­t pendant une séance de nuit ? « On aurait le coup du rideau puissance 1 000 », assure Sylvain Waserman, convaincu que les députés d’opposition se donneraien­t le mot pour piéger la majorité. D’où l’intérêt de verrouille­r le dispositif. Les cogitation­s de l’Assemblée ne se limitent pas au vote électroniq­ue. Une réflexion est menée pour établir une liste de lieux, à Paris et en province, où la représenta­tion nationale pourrait se replier si le Palais-Bourbon devenait momentaném­ent inaccessib­le.

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Les membres du Parlement pourraient bientôt légiférer, même absents du Palais.

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