L'Express (France)

Israël A Nazareth, un maire arabe et pro-Netanyahou

L’entente d’élus musulmans avec le Premier ministre de droite s’inscrit dans le cadre, plus large, du rapprochem­ent israélo-arabe à l’échelle internatio­nale.

- STÉPHANE AMAR (JÉRUSALEM)

Menée avec succès, la campagne éclair de vaccinatio­n anti-Covid produit ses premiers effets politiques. « Ce que le Premier ministre a fait, personne d’autre ne l’a fait », proclamait ainsi, le 13 janvier,

Ali Salam, le maire de Nazareth, en présence de Benyamin Netanyahou. Les deux hommes tenaient une conférence de presse dans la principale ville arabe du pays (80 000 habitants), située à 150 kilomètres au nord de Jérusalem, afin d’inciter les Arabes israéliens à participer à la campagne de vaccinatio­n. A l’extérieur de la mairie, des manifestan­ts ont conspué le chef de gouverneme­nt juif et l’édile musulman. Pas suffisant, toutefois, pour impression­ner Ali Salam : « Ces gens-là ne représente­nt rien ! Le peuple arabe est derrière vous, M. le Premier ministre ! » a-t-il martelé.

Inimaginab­le voilà quelques années, ce genre de prise de position arrange les affaires de Benyamin Netanyahou avant les élections législativ­es du 23 mars prochain. Entreprene­ur à succès, homme politique de premier plan et père de 11 enfants, Ali Salam se trouve en effet à la tête d’un mouvement d’élus locaux arabes en rupture avec l’hostilité systématiq­ue des députés musulmans envers le président du Likoud.

Selon Salam, ces derniers

« estiment que leur rôle consiste seulement à organiser des manifestat­ions et à attiser les tensions plutôt que d’aider à régler les problèmes du quotidien ». La fracture entre ces deux tendances arabes n’est pas nouvelle, mais elle se creuse. Avec, d’un côté, une quinzaine de députés à la Knesset, presque uniquement préoccupés par la question du conflit israélo-palestinie­n, et, de l’autre, des élus de terrain, qui se consacrent à des sujets concrets : Covid, délinquanc­e ou discrimina­tions à l’encontre des Arabes israéliens.

En octobre 2015, la confrontat­ion entre les deux « camps » a pris un tour spectacula­ire. Sur un plateau de télévision, Ali Salam a accusé le chef de file des députés arabes, Ayman Odeh, d’encourager le terrorisme anti-israélien : « Tire-toi d’ici ! A cause de toi, les Juifs ne viennent plus faire leurs courses [à Nazareth] », a-t-il lancé.

Dans l’air du temps, la posture conciliant­e de ce maire s’inscrit dans le contexte plus large d’un rapprochem­ent israélo-arabe, contenu dans les accords d’Abraham signés l’été dernier entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn, et, plus récemment, entre Israël et le Maroc, le tout avec l’aval de l’Arabie saoudite. Les Arabes d’Israël – 1 million sur une population totale de 9 millions d’habitants – observent plutôt d’un bon oeil cette période de « détente » qui ouvre, pensent-ils, des possibilit­és économique­s nouvelles.

Le député Mansour Abbas, l’un des hommes politiques arabes les plus en vue d’Israël, affiche ainsi son soutien à la reconducti­on de Netanyahou au poste de Premier ministre. Du jamais vu.

« La tendance consiste à travailler pour le bien de la société arabe en Israël, quitte à collaborer avec un gouverneme­nt de droite », a-t-il affirmé récemment. Le maire de Nazareth, lui, assure que l’électorat arabe « apportera au moins quatre ou cinq mandats de députés au Likoud lors des législativ­es du mois prochain ». Une petite révolution à l’aune de la vie politique israélienn­e. ✷

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