Floride Jean Ribault, l’explorateur normand qui fait polémique
Cinq siècles après ses exploits dans le Nouveau Monde, le navigateur est attaqué. Certains l’accusent d’avoir massacré des Indiens. Ses descendants sont indignés.
Aux Etats-Unis, la cancel culture, ce procédé consistant à effacer de la mémoire collective des figures historiques dont le rôle est jugé néfaste a posteriori, a fait sa première victime française : Jean Ribault, explorateur normand du xvie siècle et acteur clef de l’éphémère Floride française de 1562 à 1565.
A Jacksonville, métropole située dans le nord du « Sunshine State » et bâtie sur les ruines d’un fort français, le rectorat du comté de Duval projette de débaptiser neuf établissements : six portant le nom de militaires sudistes de la guerre de Sécession (1861-1865), et trois autres, celui de figures précoloniales. Selon certains historiens, Ribault ferait partie de ces conquérants venus « marginaliser et tuer systématiquement les peuplades indigènes ».
D’autres personnalités sont dans le collimateur, notamment... Abraham Lincoln !
La décision, qui doit être examinée en mars, concerne le collège et le lycée Jean-Ribault. L’éventualité de voir ce prestigieux patronyme effacé des frontons provoque la stupéfaction des descendants du marin huguenot, natif de Dieppe et assassiné par les Espagnols sur les côtes de Floride en 1565. Depuis Lyon, où ils vivent, ils ont rédigé une lettre ouverte aux autorités locales, publiée dans le journal The Florida Times-Union, afin d’exprimer leur dépit. « Jean Ribault n’était ni trafiquant ni propriétaire d’esclaves. Il n’a pas persécuté les peuples natifs en arrivant en Floride et, en fait, a contribué à l’amitié entre nos deux pays. » Selon eux, leur glorieux ancêtre observa, chose plutôt rare, une conduite exemplaire à l’égard de la tribu des Timucuas. Le situer sur le même plan que des généraux confédérés favorables à l’esclavage, tels que Jefferson Davis, Robert Lee et Stonewall Jackson, revient à le « traîner dans la boue ».
L’injustice historique faite à Ribault n’émeut guère outre-Atlantique, pas plus que la découverte, sensationnelle sur le plan archéologique, de l’épave de son navire amiral, La Trinité, au large de cap Canaveral en 2015. D’autres personnalités américaines bien plus célèbres se trouvent aussi dans le collimateur des censeurs, notamment… Abraham Lincoln ! Considéré comme le plus grand président des Etats-Unis, l’homme qui a aboli l’esclavage se voit reprocher des convictions mouvantes sur cette question, au point d’inciter la ville de San Francisco à débaptiser, là encore, des écoles nommées en son honneur.