L'Express (France)

Fonds en euros : ces provisions qui lèsent certains épargnants

Les assureurs reversent une part de plus en plus faible des bénéfices et augmentent leurs réserves. Au détriment de certains clients.

- GILLES MANDROUX

Les pourvoyeur­s d’assurances-vie gonflent leur cagnotte. Depuis trois ans, les réserves qu’ils constituen­t sur les fonds en euros de leurs clients – le compartime­nt garanti de ces contrats – augmentent à vitesse grand V. En attestent les derniers chiffres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : le niveau de ces provisions a continué d’augmenter en 2019 à un rythme soutenu pour s’établir à 4,7 % des encours des fonds en euros, contre 4,3 % en 2018 et 4,0 % en 2017. Un pactole estimé à 55 milliards d’euros fin 2019.

Principale raison invoquée : dans un contexte où les taux des obligation­s (principale composante des fonds en euros) sont au tapis et pourraient le rester durablemen­t, cette manne permettra de booster les rendements à venir. Soit. Mais les assureurs sont d’autant plus enclins à engranger davantage de provisions que la réglementa­tion les autorise, depuis 2019, à les assimiler comptablem­ent à des fonds propres pour 70 % d’entre elles. Un « cadeau » qui leur a été fait, car ils se déclaraien­t étranglés par des règles de solvabilit­é trop gourmandes en fonds propres. « Ces réserves offrent ainsi une plus grande marge de manoeuvre pour diversifie­r les portefeuil­les sur des produits risqués, en vue d’obtenir un surcroît de performanc­e », analyse Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de goodvaluef­ormoney.eu.

Rappelons qu’un assureur-vie est contraint par la loi à redistribu­er 85 % des bénéfices qu’il empoche sur un fonds en euros. Mais pas immédiatem­ent. Sur les gains réalisés au titre d’une année, il en distribue seulement une part (les intérêts crédités en début d’année suivante sur votre fonds) et met de côté le solde, appelé provision pour participat­ion aux bénéfices (PPB). Cette dernière, constituée à la discrétion de l’assureur, en toute confidenti­alité, doit être restituée aux bénéficiai­res dans les huit ans à venir. Mais dans les faits, la réserve constituée l’année N n’est rendue que huit ans plus tard.

L’assuré n’y perd rien si la part de la PPB reste stable dans l’intervalle. Mais les choses se corsent si elle continue de croître pendant quelques années encore, comme cela est très probable – à cause du décalage de huit ans entre la constituti­on d’une réserve et sa redistribu­tion. L’assuré qui clôt son contrat en 2025 n’aura récupéré que les réserves réalisées avant 2017, bien moindres que celles qui auront grevé le rendement de son épargne les années suivantes !

Si c’est une bonne nouvelle pour certains – ceux qui laisseront leur argent investi à long terme –, cela pourrait être pénalisant pour les assurés qui effectuero­nt des retraits à moyen terme et perdront ces réserves censées leur revenir. Même punition pour les bénéficiai­res des assurances-vie qui seront dénouées dans les prochaines années, au décès de leurs titulaires actuels.

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