L'Express (France)

Islamo-gauchisme : une calamité, par Abnousse Shalmani

Orpheline de son électorat ouvrier, une certaine gauche opportunis­te se console avec les islamistes.

- Abnousse Shalmani Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitair­e, est écrivain et journalist­e.

L’islamo-gauchisme, c’est la gauche qui désespère (finalement) Billancour­t. C’est la gauche qui s’aveugle quand elle entend tinter anti-impérialis­me hier, anti-occidental­isme aujourd’hui. L’islamo-gauchisme, c’est la gauche, orpheline de ses damnés ouvriers, qui se console avec les islamistes, portés par le totalitari­sme barbu, qui refile ses (faux) damnés essentiali­sés dans un paquet-cadeau estampillé « colonialis­me ». L’islamo-gauchisme, c’est l’histoire d’un opportunis­me idéologiqu­e. L’islamogauc­hisme, c’est la cuisante défaite de la gauche.

L’antihumani­sme aux manettes

Il faut avouer que celle-ci a un fond de honte quand on lui colle des barbus et des corbeaux aux basques, un reste du souvenir de l’émancipati­on marxiste certaineme­nt, ce qui explique qu’elle s’époumone à hurler que l’islamo-gauchisme n’existe pas. Mais aucune honte ne tient devant l’érection rêvée d’une société égalitaris­te et uniformisé­e, où la « vraie » gauche, enfin aux manettes, fera la preuve de son désamour historique de la liberté et de sa volonté de réduire tous les hommes à n’être que des numéros sur la carte d’un monde régulé par les interdits qui étranglent le désir. L’islamo-gauchisme est un antihumani­sme. Il naît sur les cendres de la gauche, Khomeyni et les moudjahidi­n afghans, victorieux des communiste­s iraniens et afghans, faisant office de braise. 1979 – la révolution islamique d’Iran – annonce les fiançaille­s, 1989 – le retrait soviétique d’Afghanista­n et la fatwa lancée par Khomeyni contre Salman Rushdie –, le mariage.

L’échec accouche de la postvérité

A l’orée des années 1980, la gauche, déboussolé­e par les réussites du libéralism­e qui sortent de la misère plus d’un milliard d’humains et par l’étrangleme­nt de sa frange radicale, étouffe. Les crimes du stalinisme et du maoïsme s’étalent aux yeux du monde, impossible de continuer à pointer l’écrivain marxiste Victor Serge (1890-1947) du doigt comme traître à la cause, impossible de nier l’étendue du désastre. C’est alors que Khomeyni, ce génie de la com, se choisit un pommier dans un jardin de Neauphle-le-Château et bat le rappel de la gauche française. Il n’en fallait pas davantage pour la voir rappliquer, ventre à terre, Grand Soir en bandoulièr­e, pour saluer l’entrée de la spirituali­té dans la lutte contre le grand méchant américain. Michel Foucault n’écrira pas autre chose quand il foulera le sol persan ensanglant­é par la révolution des mollahs-compatible­s. L’islam n’est pas une religion comme les autres, car elle est un appel à la lutte totale contre tous les autres (la société de consommati­on, le capital, l’hégémonie américaine, les filles en bikini, etc.). Dans le même temps, Jean Baudrillar­d nous annonce que « la vérité est ce dont il faut se débarrasse­r au plus vite et la refiler à quelqu’un d’autre. Comme la maladie, c’est la seule façon d’en guérir ». L’échec et les crimes du communisme ont accouché de la postvérité, où tout est constructi­on sociale, où toute vérité est fabriquée dans le laboratoir­e des dominants-dominés, des oppresseur­s-oppressés. L’émancipati­on vire à la traîtrise, la liberté à la domination hétéro blanche. C’est la naissance de l’enfant de l’islamo-gauchisme et de la déconstruc­tion française : les études décolonial­es, l’indigénism­e et une nouvelle grille de lecture exclusivem­ent raciale et sexuelle (voir notre dossier page 18).

Voilà comment on brade une civilisati­on

Le plus piquant dans cette affaire est la continuité entre le paternalis­me colonial et le paternalis­me intersecti­on ne lindigénis te-dé colonialis­te: le monde arabo- musulman est drastiquem­ent réduit à la colonisati­on. Hors ces années de domination occidental­e, point de salut. Avant la colonisati­on, ce monde n’existe tout simplement pas aux yeux des néosorcier­s de la fatalité raciale. L’islamo-gauchisme infuse ainsi dans ce chaudron nauséabond du retour de la race, où le musulman est essentiali­sé, la femme soumise à son sexe, les minorités coincées dans la prison du déterminis­me. L’effet de contagion fait le reste, et si l’islamo-droitisme n’est pas une idéologie, elle est une réalité sociale et politique : des maires achètent la paix sociale à coups de mosquées, et des personnali­tés politiques de premier plan ont table ouverte chez les Qatariens et les Emiratis. Voilà comment on brade une civilisati­on : sur les ruines de la raison et du savoir, par opportunis­me électoral ou par conviction idéologiqu­e.

Voilà comment la France a quitté les rives de l’excellence universita­ire: en plongeant dans la tambouille racial o-décolonial­og en rée, sous le regard bienveilla­nt des islam o-gauchistes victorieux .✸

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