L’INCONNU DE LA POSTE
PAR FLORENCE AUBENAS. L’OLIVIER, 240 P., 19 €.
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Vous avez peut-être vu et entendu Florence Aubenas ces derniers temps à plusieurs reprises, mais peu importe. Il est en outre probable que vous connaissiez le « non épilogue » de ce fait divers sanglant qui empoisonne la petite ville de Montréalla-Cluse (Ain) depuis le 19 décembre 2008 (leur « 11-Septembre »), date à laquelle la postière Catherine Burgod, belle quadra enceinte, a été assassinée de 28 coups de couteau. Aucune importance : ouvrez L’Inconnu de la poste, et vous serez happé par ce récit à la Simenon et à la Gaston Leroux, comme la journaliste du Monde l’a été par son sujet. La bonne intuition de l’auteure, forte de ses six ans d’enquête, est d’avoir délaissé le « je » afin d’éviter toute interférence : chacun des protagonistes est là, devant nous, avec sa vérité, sa chair, ses souvenirs.
Tout est retranscrit, au détail près, dans un souci de vraisemblance impressionnant, jusqu’au porte-monnaie informe d’un second rôle (Rambo, l’ermite de Beauregard), la couleur des abat-jour d’un dancing, le studio de Raymond Burgod, semblable au bureau d’un flic. Raymond Burgod, le père de la victime, notable du coin, empêtré dans sa douleur et sa fureur, qu’il aurait été facile de caricaturer, ce dont Florence Aubenas, loin de toute morgue, se garde bien. Tous, ici, gardent leur dignité : la bande des copines de Kathy (Catherine), nostalgiques de leur jeunesse, le « Futur ex » et le « Nouveau », ses amoureux successifs, Rambouille et Tintin, copains de dérive de Gérald Thomassin, l’un des acteurs clefs de cette dramaturgie. C’est pour lui que la journaliste s’est investie dans cette enquête au long cours. Enfant de la DDASS, comédien attachant et immature (révélé par Le Petit Criminel de Doillon), éternel vagabond, il sera incarcéré durant trois ans, sans preuve matérielle. Et s’est aujourd’hui volatilisé. Seuls demeurent les (beaux) mots de Florence Aubenas.