LE PREMIER HOMME DU MONDE
PAR RAPHAËL ALIX. LES AVRILS, 192 P., 17 €.
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Au début, c’est une histoire vieille comme le monde. Un homme aborde une femme et l’invite à danser. Rose et Marcus esquissent quelques pas. Il conduit le mouvement, elle se laisse guider. Coup de foudre. Unis par leur passion du tango argentin, « ils glissent à travers l’existence » pendant cinq délicieuses années. Malgré les réticences de Marcus, le couple décide de concevoir un enfant. Les mois passent. La ferveur et l’impatience s’effritent. Rose désespère. Et puis les nausées s’installent. De celles qui vous cueillent au réveil et distillent un goût ferreux dans la bouche. Il y a aussi la fatigue, les étourdissements, la larme facile. Des douleurs au pubis et à la poitrine. L’abdomen dur qui, doucement, se déploie en forme d’ogive. Les symptômes sont là, indéniables. « Il y a quelqu’un là-dedans », répète en boucle le médecin, affolé, en faisant glisser son stéthoscope sur le ventre velu de Marcus, qui n’en mène pas large. Rose voit rouge, claque la porte et le voilà seul, « enceint », ne sachant pas très bien s’il va devenir père ou mère.
Autour de cette incroyable grossesse, le psychologue Raphaël Alix bâtit un conte pétillant à l’écriture imagée et savoureuse. L’auteur de ce premier roman aussi léger que bien rythmé ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit. Il met le lecteur devant un impensable fait accompli, puis, chemin faisant, presque l’air de rien, observe avec humour le renversement des rôles et la déconstruction des modèles homme-femme qui en découlent. Même si quelques considérations inutilement didactiques sur la question du genre émaillent la toute fin du texte, sa fraîcheur et sa finesse devraient séduire jusqu’aux esprits les plus cartésiens.