L'Express (France)

Sarkozy : c’est un chêne qu’on abat, celui de Saint Louis

Faut-il ne plus avoir confiance dans la politique ? Faut-il ne plus avoir confiance dans la justice ?

- PAR ÉRIC MANDONNET

Les mots claquent : « corruption », « prison ferme ». S’ils visent un homme, Nicolas Sarkozy (qui a fait appel), ils atteignent un ancien président de la République. Là se situe la nature du séisme de ce 1er mars. Le mal est fait, qui ébranle nos institutio­ns : faut-il ne plus avoir confiance dans la politique parce que la justice la renvoie dans les bas-fonds de l’amoralité ? Faut-il ne plus avoir confiance dans la justice parce que la politique s’y est introduite au point de faire peser de lourds soupçons sur son impartiali­té ? Le seul fait que ces questions se posent témoigne de la gravité de la situation. Face à une décision de justice, chacun devrait donc choisir son camp en fonction de ses conviction­s ? C’est un chêne qu’on abat, celui de Saint Louis. C’est, au-delà, une certaine idée de la Ve République qui s’en est allée.

Jacques Chirac, déclaré coupable de détourneme­nt de fonds publics et d’abus de confiance, avait été condamné à deux ans de prison avec sursis. Nicolas Sarkozy s’était juré de ne jamais finir comme son prédécesse­ur. « Je veux rendre aux Français la fierté d’être français », disait-il à la première heure de son quinquenna­t. « Nicolas Sarkozy s’est servi de son statut d’ancien président de la République », a estimé le tribunal correction­nel de Paris. La politique K.-O. Le 29 juin 2020, c’est son ex-Premier ministre,

François Fillon, qui avait été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonne­ment, dont deux ferme. La rengaine des élus contre les juges, reprise par les soutiens de Sarkozy, n’est certes pas nouvelle. « Méfiez-vous des juges, ils ont tué la monarchie. Ils tueront la République », aurait confié Mitterrand, alors garde des Sceaux. Mais aujourd’hui le match est devenu trop inégal.

L’histoire entre Nicolas Sarkozy et la politique se termine au moment où il se met à la maudire. C’est en cela aussi que l’on reconnaît la fin d’une époque. Un gouverneme­nt (mal) noté sur sa politique climatique par des citoyens tirés au sort : on croit l’entendre forger une formule qui ferait rire son auditoire. Lui ne cesse de prôner la verticalit­é quand l’heure est à toujours plus d’horizontal­ité. Il n’a jamais aimé la transparen­ce à outrance – « Quelqu’un de transparen­t, vous croyez que ça donne envie ? » –, il déteste la course au moins bling-bling – il s’est moqué de bon coeur de Valérie Pécresse quand il a vu sa voiture de fonction. La politique riquiqui. Maintenant que Valéry Giscard d’Estaing a rejoint Jacques Chirac sinon au royaume des cieux, en tout cas au paradis des ex, endroit qui les préserve de toute poursuite judiciaire, Nicolas Sarkozy est le plus ancien président encore en vie. Il a été élu il y a moins de quinze ans. Nicolas Sarkozy, je vous parle d’un temps… ✸

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