Ces élus de droite déçus par Macron
Ils avaient placé, en 2017, des espoirs dans le nouveau président. Aujourd’hui, le vent a tourné. Là se situe l’une des clefs de la prochaine élection présidentielle.
C’est le rêve de la Macronie : le 12 février, le maire de Nice, Christian Estrosi, est décoré des insignes d’officier de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy, sur décision de l’actuel chef de l’Etat – le schéma parfait. « Estrosi fait déjà partie de la majorité présidentielle, souffle un macroniste du premier cercle. Il nous avait demandé de le laisser tranquille pour les municipales, car il devait gérer Eric Ciotti sur sa droite, mais on peut compter sur lui. »
C’est la désillusion de la Macronie. A quelques kilomètres de là, le maire LR de Cannes, David Lisnard, émet chaque jour des critiques à l’égard de la politique du gouvernement comme du fonctionnement de l’Etat. Or Lisnard n’est pas n’importe qui aux yeux d’Emmanuel Macron. Les proches du président ont gardé, prêts à les exhiber pour prouver la versatilité de l’élu, les SMS dont l’édile bombardait le ministre de l’Economie des années 20142016. « Lisnard faisait le siège d’Emmanuel Macron pour qu’il aille à la présidentielle, lui assurant que c’était “son moment” et que, lui, il ferait “tout exploser dans le Sud”, raconte un conseiller du chef de l’Etat. Psychologiquement, ce genre de comportement a joué sur l’envie de se déclarer. »
Lisnard assume. « Ma femme croyait que j’avais une maîtresse », rigole-t-il en se souvenant des échanges entre lui et le candidat. Mais il fait désormais partie, et pas qu’un peu, des « déçus du macronisme ». « Macron a beaucoup de charme, mais le problème, c’est qu’il fait du théâtre. J’ai arrêté de le soutenir pendant la campagne quand j’ai vu la différence entre ce qu’il disait en privé et ce qu’il disait en public. On retrouve désormais le décalage entre le discours et la réalité. »
Si la poutre travaille, qui a contribué à l’arrivée de plusieurs personnalités de droite dans la majorité et au gouvernement, elle travaille dans les deux sens. Nombreux sont les élus LR qui ont révisé leurs jugements à la baisse. « C’est tout de même le président de droite qu’on
n’attendait pas » : Jean-François Copé ne répéterait plus ce qu’il lançait pour le premier anniversaire de l’élection d’Emmanuel Macron, en mai 2018. Le maire de Meaux, candidat à la primaire en 2016, estimait alors, sur Public Sénat, que la droite avait « très peu » de place : « Dès lors que vous êtes à droite et que vous avez un président, certes qui n’est pas de votre famille politique, mais qui fait une politique de droite, il y a deux options : vous assumez, et dans ce cas vous êtes cohérent, ou alors vous tapez comme un sourd et, à ce moment-là, forcément, vous êtes victime du syndrome d’incohérence et d’insincérité. » « Il y avait au départ un espoir, en tout cas une bienveillance, constate maintenant Copé. Mais au tennis, on dirait que Macron joue “trop court”. A chaque fois, on reste sur sa faim. C’est une succession de rendezvous manqués, quand la droite préfère les rendez-vous honorés. » Et d’égrener : « Sur l’économie, il a de bons réflexes, mais les réformes de structures ne suivent pas, qu’il s’agisse des retraites, de la recherche ou de la baisse des dépenses publiques. Sur la sécurité, il n’y arrive décidément pas ; sur la laïcité, il y a tant d’actes manqués. »
En mai 2017, le maire de Reims, Arnaud Robinet, salue l’élection d’Emmanuel Macron sur Twitter en lui « souhaitant tous [s]es voeux de réussite ». Dans la foulée de la nomination d’Edouard Philippe à Matignon, il appelle à saisir la main tendue par le président. Il a été réélu à la tête de sa municipalité malgré un Marcheur. A Saint-Etienne, le maire, Gaël Perdriau, reçoit entre les deux tours des législatives de juin 2017 les candidats LREM des circonscriptions de sa ville. Il affiche l’espoir de « pouvoir travailler en bonne intelligence avec eux ». Il est vice-président des Républicains, et réfléchit désormais à la meilleure façon de battre Macron en 2022.
Lors du premier vote de confiance au gouvernement, 75 des 100 députés LR s’étaient abstenus. Deux ans plus tard, ils n’étaient plus que 22. La popularité d’Emmanuel Macron reste solide, en partie grâce au soutien persistant d’électeurs fillonistes de 2017. « Si nous nous accordons sur un candidat, ils peuvent revenir, ce qui rognerait le socle du président », note Gérard Larcher, en quête d’un système de départage entre les postulants. Un espace politique existe, encore faut-il l’occuper et l’incarner. C’est là que l’affaire, pour le moment, se corse. ✷