Covid : a-t-on vraiment tout tenté pour protéger les plus fragiles ?
L’idée « d’auto-isoler » les personnes les plus à risque provoque crispations et polémiques. Ne faudrait-il pas plutôt les aider à mieux se prémunir contre le virus?
L’auto-isolement des personnes les plus fragiles : c’est une recommandation que le conseil scientifique n’a cessé d’appeler de ses voeux. D’abord en avril dernier, par la voix de son président le Pr JeanFrançois Delfraissy, puis dans des avis parus en septembre, octobre, et encore début janvier, dans la perspective d’une nouvelle flambée épidémique. Récemment, une partie des membres de cette instance a encore avancé cette idée, cette fois via une lettre parue dans la revue scientifique The Lancet.
Le déploiement de la vaccination aurait pu laisser espérer que cette question devienne bientôt obsolète. Mais il s’agissait, pour les auteurs de cette tribune, d’anticiper un éventuel « échappement immunitaire » du virus. Une situation – envisagée à présent par de nombreux épidémiologistes – qui verrait le virus devenir endémique du fait de l’apparition de variants résistants aux vaccins ou à une précédente infection. Des mesures de contrôle et de protection seraient alors à nouveau nécessaires, le temps d’adapter et de déployer de nouvelles injections.
Quoi qu’il en soit, le message de ces experts est à chaque fois peu ou prou le même : au-delà des dispositions générales prises pour freiner la circulation du virus (masque, distanciation sociale…), des mesures ciblées sont nécessaires, en complément, pour mieux protéger les plus fragiles, personnes âgées ou présentant des facteurs de risque spécifique. A chaque fois, cette proposition a provoqué de vives polémiques – y compris d’ailleurs, dans la période la plus récente, au sein du conseil lui-même. Au point que les politiques ont toujours préféré laisser cette idée de côté. Pourtant, il ne s’agit pas dans l’esprit des auteurs d’enfermer ces publics à risque, comme cela a pu être compris, mais plutôt de leur donner les moyens de se protéger.
« Il existe une palette de mesures possibles qui n’ont jamais été vraiment essayées », regrette un observateur. Le conseil scientifique en avait listé quelques-unes dans son avis de fin octobre pour « instaurer un environnement bienveillant tout en limitant les contacts à risque dans un contexte d’épidémie durable ». Cela commençait par le recensement de ces personnes, sur la base notamment des publics connus des municipalités pour le risque canicule. Concernant celles déjà auto-isolées, il s’agissait de les appeler régulièrement afin de s’enquérir de leurs besoins – une mesure dont une récente étude a montré qu’elle permettait à elle seule de réduire l’anxiété générée par l’isolement. A la condition bien sûr d’avoir aussi des moyens, équipes sociales ou professionnels de santé, disponibles en cas de difficulté. Autre piste très concrète, des horaires réservés dans les supermarchés pour les personnes fragiles, voire un service de livraison de courses.
Sans oublier une information personnalisée, notamment par le biais du médecin traitant, afin de s’assurer que les conseils pour se protéger passent bien. Répéter, par exemple, que l’on peut se promener avec des proches à l’extérieur, à condition de garder le masque et les distances, ou même recevoir à son domicile, sous réserve de ne pas boire ni manger pendant les visites, de façon à rester masqué en toutes circonstances. Des messages que certains imaginent à présent aussi voir diffusés dans les quartiers où l’épidémie flambe, par le biais de médiateurs spécialisés. Autrement dit une santé publique de terrain, dont l’Hexagone manque cruellement. Le débat va, sans nul doute, continuer à agiter la société française. ✸
« Il existe une palette de mesures qui n’ont jamais été vraiment essayées »