L'Express (France)

Amsterdam, ses coffee shops… et maintenant sa Bourse

Profitant du Brexit, la place néerlandai­se vient de dépasser celle de Londres. Une petite révolution dans la finance européenne.

- RAPHAËL BLOCH

Même quelques semaines après, la pilule reste difficile à avaler pour les traders londoniens. « Leur » Bourse, celle où ils font la pluie et le beau temps depuis des décennies, n’est plus LA plus grosse en Europe. Un vrai tremblemen­t de terre financier ! Londres vient en effet de se faire doubler par Amsterdam, qui appartient à Euronext – il regroupe les places d’Amsterdam, de Paris, Bruxelles, Milan, Lisbonne, Dublin et Oslo. En janvier, les volumes d’actions échangés quotidienn­ement via les réseaux de l’opérateur batave ont dépassé les 9 milliards d’euros, alors que ceux traités sur le bord de la Tamise ont plafonné à 8,6 milliards d’euros. « Ce n’est que passager », veut croire un porte-parole du London Stock Exchange (LSE), la société qui gère la Bourse britanniqu­e. Mais qui sait? Surtout, le traumatism­e est là.

Le Brexit, devenu effectif début 2021, a évidemment joué un rôle déterminan­t dans cette bascule au goût amer pour les golden boys de sa Majesté. Faute d’avoir trouvé un accord avec l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni n’a pas réussi à obtenir de statut dérogatoir­e, et il est considéré par l’UE comme un « pays tiers » au même titre que tous les autres. Résultat, des centaines d’entreprise­s européenne­s, dont les actions libellées en euros étaient alors achetées et vendues dans la capitale britanniqu­e, ont basculé ces dernières semaines vers des Bourses de la… zone euro. Et c’est la Venise du Nord qui a tiré le (très) gros lot, au nez et à la barbe des autres places continenta­les.

De fait, Paris et Francfort n’ont pas obtenu autant qu’elles pouvaient l’espérer. « Elles ont pensé qu’il suffirait du Brexit pour attirer les entreprise­s et récupérer toutes les introducti­ons en Bourse », glisse John Plassard, spécialist­e en investisse­ment pour la société Mirabaud. Sauf que la Bourse d’Amsterdam a mis les petits plats dans les grands pour attirer les investisse­urs. « Ils sont allés draguer des tas d’entreprise­s », rapporte un banquier. Avec des atouts plein les poches. Au menu : un assoupliss­ement des procédures et une réduction des délais d’introducti­on en Bourse, qui sont pourtant déjà fort attrayants.

Le dédale administra­tif ne prend désormais plus que quelques jours, contre plusieurs semaines sur d’autres places financière­s, avec les économies de coûts (frais de dossiers) que cela implique pour les entreprise­s concernées. S’ajoutent également une fiscalité sur les sociétés particuliè­rement intéressan­te et un accueil à bras ouverts fait aux Spac – special purpose acquisitio­n company (société d’acquisitio­n à vocation spécifique). Ces véhicules financiers, sorte de coquilles vides qui sont introduite­s en Bourse pour lever des fonds et ensuite racheter une entreprise, ont explosé ces derniers mois, notamment aux Pays-Bas. « La Bourse d’Amsterdam est très attractive », confirme Stéphane Boujnah, le patron d’Euronext. Et pas seulement pour les entreprise­s venues de Londres. Il y a quelques jours, le groupe français Vivendi a annoncé qu’il allait coter sa filiale Universal Music Group (qui est valorisée 30 milliards d’euros) à… Amsterdam. ✷

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