« Ouvrons nos facs à Charb et au débat ! »
Enseignants, écrivains, dramaturges… ils appellent les présidents d’université à faire lire dans leurs établissements la Lettre posthume du directeur de Charlie assassiné en 2015.
Le 14 février dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dénonçait l’existence d’emprises extrémistes qui, selon elle, s’exerceraient au sein des facultés. La Conférence des présidents d’université (CPU) répondait en récusant tout conditionnement idéologique. Selon eux, l’université n’est pas concernée par une aussi grave accusation. Dans un communiqué du 23 octobre 2020, la CPU avait par ailleurs déclaré que « l’université [était] un lieu de débat et de construction de l’esprit critique ». L’objet de notre tribune n’est pas de vouloir donner raison aux uns ou aux autres. Mais, en tant qu’universitaires et acteurs du monde de la culture, nous observons que les extrémismes en tout genre ont, depuis toujours, convoité et recherché activement leur légitimation académique. Qu’il s’agisse d’extrémismes de droite ou de gauche, religieux ou nationalistes, ils ont tous, à un moment donné, considéré que, l’avenir de la nation se jouant largement au sein des universités, ces dernières constituaient un terrain d’action à privilégier afin de faire progresser leurs causes. La récente affaire de Sciences po Grenoble n’est qu’une illustration supplémentaire de la cible que l’université représente pour les idéologies extrémistes, qui, toutes, aiment se draper d’oripeaux pseudoscientifiques.
Préoccupés, comme de nombreux citoyens, par cette situation de grande confusion et de dégradation du débat, nous souhaiterions aider les présidents d’université à rendre irréfutable leur protestation de bonne foi. Nous pensons, comme eux, que l’université est un lieu de débat et d’élaboration de l’esprit critique.
Nous leur proposons donc de laisser programmer et diffuser, dans leurs établissements, la lecture du texte posthume de Charb Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes. Tous ceux qui connaissent ce texte savent qu’il prône la tolérance et la paix ; qu’il ne met en cause ni la religion ni les pratiquants, mais les ignorants qui détournent les mots de leur sens et utilisent l’intimidation et la censure en dévoyant l’argument de respect de la différence. Ce livre est un manifeste contre le racisme et l’intolérance qui tord le cou à tous les extrémismes désireux de semer la confusion dans les esprits. Il constitue un point de départ fructueux pour ouvrir le débat sur une diversité non dévoyée et sur la formation de l’esprit critique. L’université, lieu du savoir, doit pouvoir accueillir tous les débats ? Alors, soyons sans crainte, et ouvrons nos facs à Charb !