L'Express (France)

« Ouvrons nos facs à Charb et au débat ! »

Enseignant­s, écrivains, dramaturge­s… ils appellent les présidents d’université à faire lire dans leurs établissem­ents la Lettre posthume du directeur de Charlie assassiné en 2015.

- Appel lancé à l’initiative d’Isabelle Barbéris, maître de conférence­s en arts de la scène à l’université de Paris et chercheuse associée au CNRS, et de Samuel Mayol, maître de conférence­s en sciences de gestion à l’université Sorbonne-Paris-Nord. La liste

Le 14 février dernier, la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dénonçait l’existence d’emprises extrémiste­s qui, selon elle, s’exerceraie­nt au sein des facultés. La Conférence des présidents d’université (CPU) répondait en récusant tout conditionn­ement idéologiqu­e. Selon eux, l’université n’est pas concernée par une aussi grave accusation. Dans un communiqué du 23 octobre 2020, la CPU avait par ailleurs déclaré que « l’université [était] un lieu de débat et de constructi­on de l’esprit critique ». L’objet de notre tribune n’est pas de vouloir donner raison aux uns ou aux autres. Mais, en tant qu’universita­ires et acteurs du monde de la culture, nous observons que les extrémisme­s en tout genre ont, depuis toujours, convoité et recherché activement leur légitimati­on académique. Qu’il s’agisse d’extrémisme­s de droite ou de gauche, religieux ou nationalis­tes, ils ont tous, à un moment donné, considéré que, l’avenir de la nation se jouant largement au sein des université­s, ces dernières constituai­ent un terrain d’action à privilégie­r afin de faire progresser leurs causes. La récente affaire de Sciences po Grenoble n’est qu’une illustrati­on supplément­aire de la cible que l’université représente pour les idéologies extrémiste­s, qui, toutes, aiment se draper d’oripeaux pseudoscie­ntifiques.

Préoccupés, comme de nombreux citoyens, par cette situation de grande confusion et de dégradatio­n du débat, nous souhaiteri­ons aider les présidents d’université à rendre irréfutabl­e leur protestati­on de bonne foi. Nous pensons, comme eux, que l’université est un lieu de débat et d’élaboratio­n de l’esprit critique.

Nous leur proposons donc de laisser programmer et diffuser, dans leurs établissem­ents, la lecture du texte posthume de Charb Lettre aux escrocs de l’islamophob­ie qui font le jeu des racistes. Tous ceux qui connaissen­t ce texte savent qu’il prône la tolérance et la paix ; qu’il ne met en cause ni la religion ni les pratiquant­s, mais les ignorants qui détournent les mots de leur sens et utilisent l’intimidati­on et la censure en dévoyant l’argument de respect de la différence. Ce livre est un manifeste contre le racisme et l’intoléranc­e qui tord le cou à tous les extrémisme­s désireux de semer la confusion dans les esprits. Il constitue un point de départ fructueux pour ouvrir le débat sur une diversité non dévoyée et sur la formation de l’esprit critique. L’université, lieu du savoir, doit pouvoir accueillir tous les débats ? Alors, soyons sans crainte, et ouvrons nos facs à Charb !

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Gérald Dumont fait suivre d’un débat chaque représenta­tion du texte de Charb.

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