L'Express (France)

Qui est l’intrigant général Martinez ?

Candidat déclaré à la présidenti­elle, violemment hostile à l’islam, ce récent signataire d’une tribune de militaires veut obliger Marine Le Pen à durcir son programme.

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Le général Antoine Martinez ne correspond guère au cliché du militaire tonitruant qui ressasse ses états de service en vitupérant contre la décadence de notre époque. L’homme raconte son enfance à Oran, en Algérie, d’une voix paisible au bel accent chantant. Il ne coupe jamais la parole, répond toujours avec une rondeur courtoise. Du moins, quand on ne lui parle pas d’immigratio­n, ni d’islam. Là, la douce machine paraît soudain s’emballer, et le haut gradé de l’armée de l’air peut sortir des phrases dont la violence fait sursauter, entrecoupé­es d’expression­s comme « il ne faut pas se leurrer ». « Il y a dans notre pays plus de 2 millions de musulmans radicalisé­s prêts à basculer au signal djihadiste », assène-t-il ; ou encore : « Pour les binationau­x auteurs de délit, déchéance de nationalit­é, on les expulse du territoire ainsi que les familles concernées car tout est lié. » Précision, le général Martinez est candidat à l’élection présidenti­elle de 2022.

Ces derniers jours, le militaire à la retraite de 73 ans est très sollicité. Quand nous l’appelons, il vient de s’entretenir avec Alexandre del Valle, l’essayiste habitué des initiative­s à la droite de la droite, qui l’a félicité pour ses écrits et ses premiers passages télé. Avec 17 autres généraux, le gradé a paraphé une tribune – les signataire­s disent simplement « la lettre » – publiée le 21 avril sur le site de Valeurs actuelles, dans laquelle les auteurs dénoncent le « délitement » de la France et demandent « l’éradicatio­n » immédiate de dangers comme « l’islamisme et les hordes de banlieue », à défaut de quoi « la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant ». Les soldats imaginent alors une « interventi­on de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisati­onnelles ». Même si seulement 38 % des Français déclarent, dans un sondage Harris Interactiv­e, « voir précisémen­t » de quoi retourne le texte, 58 % d’entre eux soutiennen­t le propos des militaires. Le ministère des Armées considère le texte comme quasi factieux et envisage des sanctions.

Sur les velléités de putsch, Antoine Martinez se récrie, évoque l’état de siège, qui serait décidé par le chef de l’Etat. Dans cette hypothèse, l’aviateur a déjà un plan : « L’armée choisit deux ou trois quartiers, on les boucle et on intervient à l’intérieur pour récupérer armes, drogues et argent. » Son

projet présidenti­el, déjà soutenu par le général Piquemal, radié de l’armée en 2016 après sa participat­ion à une manifestat­ion antimigran­ts, prévoit d’autres mesures ultraradic­ales, comme l’interdicti­on du voile dans l’espace public ou la « fermeture immédiate des mosquées fréristes, salafistes, tablighs, wahhabites et turques ». « Aimer sa patrie, ce n’est pas être radical, ni d’ultradroit­e », oppose-t-il. En 2018, l’associatio­n qu’il préside, les Volontaire­s pour la France, composée en bonne partie d’anciens de l’armée ou de la police, a attiré l’attention quand un petit groupe de dissidents, l’Action des forces opérationn­elles, a été arrêté pour terrorisme, après avoir envisagé d’empoisonne­r de la nourriture halal. « Un rapprochem­ent malhonnête, on a exclu ces individus en 2017 », conteste encore une fois le général.

Jamais encarté, ce descendant de pieds-noirs, de confession catholique, ne cache pas, aujourd’hui, « un certain nombre de points d’accord avec Marine Le Pen », qui a appelé les généraux de « la lettre » à la rejoindre. Le 23 avril, il a pourtant décliné la propositio­n. Pour faire monter les enchères ? « Antoine Martinez a l’envie, mais il manque peut-être un peu d’épaisseur », considère le général en retraite François Chauvancy.

L’intéressé n’ignore pas ses limites actuelles. « Il y aura, je l’espère, des discussion­s à l’automne », nous lance-t-il, citant, parmi ses partenaire­s potentiels, outre le RN, « les patriotes de droite, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Frédéric Poisson ou Bruno Retailleau ». Pour un éventuel ralliement, le général pose déjà ses conditions : « Marine Le Pen a dit que l’islam était compatible avec la République. Nous pensons au contraire qu’il est incompatib­le avec la démocratie. Il faudra qu’elle évolue sur ce point. » Un allié potentiel qui ne fleure pas vraiment la « dédiabolis­ation ».

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Il dénonce le « délitement » de la France.

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