Europe : les derniers bastions socialistes
sociale ne profite-t-elle pas à La France insoumise ou au Parti communiste ? Des Patriotes à la CGT, les militants décrivent une majorité de Liévinois écoeurés par le ralliement systématique au PS ou à LREM au nom de l’union de la gauche et du front républicain. Un sentiment partagé par Guillaume Kaznowski devenu ainsi le collaborateur du député José Evrard, transfuge communiste rallié au RN puis à Debout la France, qui martèle avoir « changé de parti mais pas d’idées ».
En 1994, François Mitterrand était encore fraternellement accueilli à Liévin par des banderoles « Bienvenue au président. Ici tu es chez toi. » Que s’est-il passé entre-temps ? « Au fond, Mitterrand avait sans doute le même rapport aux classes populaires que François Hollande. Mais cet homme, qui a poursuivi la désindustrialisation puis géré l’ultime fermeture des puits de mine, savait manier les symboles, des images valorisantes et entraîner dans un récit commun », décrypte l’historienne Marion Fontaine, auteure de Fin d’un monde ouvrier. Liévin 1974 (éd. de l’EHESS). Incapable de s’adresser aux électeurs du RN, la gauche nationale française hésite entre la culpabilisation et le misérabilisme. « Consciemment ou non, elle en veut à cet électorat de s’être détourné d’elle, comme s’il l’avait trahie. En réalité, c’est la promesse que les enfants vivraient mieux que leurs parents qui n’a pas été tenue », indique l’universitaire.
Certes, la concurrence mondiale a eu raison des projets de tertiarisation ou de réindustrialisation du Pas-de-Calais, mais le maire de Liévin se veut optimiste : « Depuis quelques années, on renaît grâce à des plateformes logistiques qui offrent des centaines d’emplois peu qualifiés. Et je suis en train de créer un hôtel d’entreprises fondé sur la nouvelle économie. » En attendant, faute de pouvoir se projeter dans le futur, certains Liévinois s’enferrent dans la nostalgie d’un passé ouvrier idéalisé. D’autres ont trouvé un exutoire : l’abstention ou le vote RN. « Certaines parties du bassin minier semblent enfermées dans un cercle vicieux : plus elles sont méprisées et traitées de racistes, plus elles se replient ; plus elles se replient, plus elles sont stigmatisées », analyse Marion Fontaine. S’il a déserté la gauche, l’électorat ch’ti, victime du chômage de masse, pourrait devenir le laboratoire de la dernière utopie progressiste : la société du revenu universel.