L'Express (France)

Gérer la profusion

EMMANUEL LECHYPRE

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LA CRISE DE L’ABONDANCE PAR FRANÇOIS-XAVIER OLIVEAU. ÉDITIONS DE L’OBSERVATOI­RE, 318 P., 20 €.

L’économie a toujours été la science sociale consistant à répartir de la meilleure façon possible des ressources rares. Elle doit désormais devenir celle qui permet de régler les multiples crises provoquées par la surabondan­ce. Voilà le renverseme­nt de perspectiv­e stimulant que nous propose le multidiplô­mé François-Xavier Oliveau (Centrale, Sciences po, Harvard), contribute­ur actif de plusieurs think tanks et accompagna­teur d’entreprise­s en transition.

Au rebours de millénaire­s d’histoire, les ressources sont aujourd’hui plus que suffisante­s pour assurer nos besoins vitaux. Nous produisons 2 700 calories par jour et par habitant dans le monde, alors que nos besoins sont de 1 800 à 2 000 calories. Nous n’avons jamais vécu aussi vieux, 9 humains sur 10 ont accès à l’eau potable, et 5 sur 6 à l’électricit­é. Les matières premières sont bon marché, l’argent n’a jamais été aussi foisonnant et peu cher, et l’égalité n’a jamais été aussi forte. Grâce au progrès technique et à l’économie de marché, nous n’avons donc jamais aussi bien vécu… Au point que l’on compte aujourd’hui trois fois plus de morts d’obésité que de malnutriti­on.

C’est bien la preuve que les prophètes de la rareté se trompent depuis des décennies. Et on pourrait presque le regretter, au vu des crises que la surabondan­ce engendre… Faute de mieux utiliser les ressources, nous risquons de détruire notre environnem­ent. Faute de maîtriser la création d’argent, nous risquons de crouler sous les dettes, faute de résoudre la crise du travail, nous risquons de basculer dans le chaos social… Alors, comment bien vivre dans cette société de l’abondance, dans laquelle, de plus en plus, la machine va nous libérer de nos corvées et travailler à notre place ? En faisant payer l’usage de la nature d’abord, pour limiter son exploitati­on excessive. Jusque-là, rien de révolution­naire… En créant un revenu universel d’environ 500 euros par mois pour dissocier revenus et travail. Déjà plus audacieux… En distribuan­t à chaque citoyen, via les banques centrales, un petit pécule amortisseu­r de chocs, entre 150 et 200 euros par personne et par mois selon le niveau d’inflation… Carrément délirant, diront les ennemis de la planche à billets, génial, s’exclameron­t leurs contradict­eurs. Seule certitude : ces propositio­ns n’ont pas fini d’alimenter le débat. Ce n’est pas leur moindre mérite…W

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