L'Express (France)

DIVINE JACQUELINE

PAR DOMINIQUE BONA. GALLIMARD, 522 P., 24 €.

- L.-H. L. R.

Il s’agit d’un portrait de femme, comme dans le dernier récit d’Edouard Louis, mais la comparaiso­n s’arrête là. Les milieux ne sont pas les mêmes. Née en 1929 dans ce qu’on appelait alors le « gratin », Jacqueline de Ribes aura passé sa vie dans un monde enchanté de fêtes et d’hôtels particulie­rs. Son élégance et son nez digne de Cléopâtre en auront fasciné plus d’un, de Truman Capote à Andy Warhol. En 1951, on ne voit qu’elle au fameux « bal du siècle » que Charles de Beistegui donne à Venise. Quand Visconti veut adapter A la recherche du temps perdu, il pense à elle pour la duchesse de Guermantes. En 1983, elle crée sa marque de mode avec la bénédictio­n d’Yves Saint Laurent. En 1999, Jean-Paul Gaultier lui dédie une collection, baptisée « Divine Jacqueline » – deux mots qui résument le sentiment qu’elle a toujours inspiré.

Présentée ainsi, cette vie fastueuse pourrait paraître vaine. Mais Dominique Bona n’en est pas dupe. L’académicie­nne sait que le dandysme est souvent un stoïcisme cachant des fêlures moins frivoles. Petite, Jacqueline de Ribes est malheureus­e comme les pierres, délaissée par des parents volages et égoïstes qui ne pensent qu’à leur plaisir et l’abandonnen­t dans des pensions sinistres. A peine sortie de l’adolescenc­e, elle perd sa virginité avec un amant de sa mère qui ne s’embarrasse pas de la notion de consenteme­nt. La mélancolie collera toujours à ses tenues de soirée. Jusque-là, Dominique Bona n’avait écrit que sur des disparus. Cette fois-ci, elle s’est entretenue une dizaine de fois avec son sujet, telle une styliste peaufinant une robe à même le modèle. Le résultat ? Une biographie haute couture qui ressemble à un roman de Fitzgerald.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France