L'Express (France)

Restaurant­s cherchent personnel désespérém­ent

A quelques jours de la reprise, la fuite des salariés agite les arrière-cuisines de l’hôtellerie et de la restaurati­on. Quelque 110000 employés manqueraie­nt à l’appel.

- N. S.

Qui sera là le jour J ? Alors que le voile sur le calendrier d’ouverture des hôtels, cafés et restaurant­s est enfin levé, la question taraude Stessy Faber, cogérante de Maison Lascombes. Et pour cause. A l’heure de l’appel, beaucoup de messages laissés sur les répondeurs des salariés de ses huit établissem­ents girondins restent sans réponse. « Impossible d’en joindre certains, souffle la patronne qui redoute d’avoir perdu la moitié de ses 200 employés depuis le début de la crise sanitaire. 25 CDD n’ont pas été renouvelés et on a accordé une vingtaine de ruptures convention­nelles. Tout le monde était au chômage partiel, mais une quinzaine de salariés ont rendu leur tablier », égrène-t-elle. Les autres ? « Ils vont peut-être revenir, on a encore un peu de temps. Sinon, on devra engager des procédures de licencieme­nt. Heureuseme­nt, on a réussi à garder nos maillons forts, mais on est tous en train de recruter. »

Son cas est loin d’être isolé. La perfusion massive du chômage partiel (qui couvrait 84 % de la rémunérati­on) a caché une véritable hémorragie au sein des 107 000 établissem­ents du secteur. Sur 612 000 salariés en CDI, 110 000 seraient aux abonnés absents, selon une étude menée par Akto (l’opérateur de compétence­s des entreprise­s à forte intensité de main-d’oeuvre).

Président du Syndicat national de la restaurati­on thématique et commercial­e, Hervé Dijols dirige deux brasseries parisienne­s. Sur ses 48 employés, deux ont pris la poudre d’escampette. « L’un a monté une société de nettoyage, l’autre suit un stage de reconversi­on dans le bâtiment », raconte-t-il. Envie de changer de vie, marre de se morfondre entre quatre murs… Les motifs des départs sont aussi économique­s. L’activité partielle ne prenant pas en compte les heures supplément­aires ou les pourboires (jusqu’à 30 % du salaire mensuel à Paris), il peut s’avérer compliqué de joindre les deux bouts.

Si ce trou d’air semble bienvenu pour ajuster les effectifs au rythme de la reprise, il pourrait vite poser problème en cas de coup de feu dans un secteur réputé pour ses difficulté­s à recruter. « Tout une frange ne reviendra plus », s’alarme Laurent Barthelemy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Nouvelle-Aquitaine.

Le ministère du Travail a donné son accord pour pouvoir embaucher les saisonnier­s habituels et les placer en activité partielle en cas de non-réouvertur­e. On n’est jamais trop prudents… Mais on ne remet pas tout le monde en cuisine comme cela. Après des mois sans activité, les corps sont ankylosés. « Certains gestes ou réflexes en matière de sécurité peuvent être perdus, ce qui peut vite devenir dangereux », souligne Hervé Dijols. Début mai, un vaste programme de formation a été lancé pour remettre tout le monde dans le bain. « Un peu comme lorsque l’on s’est cassé une jambe, on doit faire de la rééducatio­n pour réapprendr­e à marcher », résume Franck Trouet, porte-parole du groupement national des indépendan­ts de l’hôtellerie et de la restaurati­on. Le temps presse. Cette fois, le compte à rebours a vraiment commencé.

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