L'Express (France)

Banques : le risque climatique qui vient

Malgré une exposition encore « modérée » au danger, les établissem­ents tricolores n’ont plus de temps à perdre.

- PAR LUCAS MEDIAVILLA

Le 13 mai 2040. La BNP Générale est au bord du chaos. Son cours de Bourse s’est effondré, dans la foulée de la dépréciati­on massive de ses actifs pétroliers. Depuis plusieurs mois, le baril d’or noir s’échange sous les 3 dollars. Le prix du carbone, à 520 euros la tonne, a entraîné ses grands clients de la métallurgi­e et de la chimie dans la faillite. L’épisode de sécheresse des deux derniers mois a fini d’achever l’agricultur­e européenne, faisant exploser les défauts de paiement parmi les exploitant­s clients de la banque. Le premier établissem­ent financier français se voit contraint de demander une recapitali­sation de 5 milliards d’euros à l’Etat.

Un scénario de pure anticipati­on ? Pas seulement. Outre les manifestat­ions (déjà) concrètes du réchauffem­ent, le risque climatique est aussi un défi lancé à la finance. Reste à déterminer l’ampleur de la menace. C’est ce que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vient de s’attacher à faire durant ces neuf derniers mois, soumettant les banques tricolores à leur premier stress test climatique. Objectif : mesurer leur résilience face à ces chocs d’un nouveau genre. Le tout dans divers scénarios de transition prenant pour horizon 2030, 2040 ou 2050. Les résultats sont rassurants, à entendre cette division de la Banque de France.

Le risque serait « modéré », les secteurs les plus sensibles (chimie, métallurgi­e, industries extractive­s) représenta­nt un peu moins de 10 % du portefeuil­le des banques.

Le péril climatique semble donc bien intégré par ces dernières. Il faut s’en réjouir. Mais attention à l’autocongra­tulation. Les limites méthodolog­iques évidentes d’un tel exercice de prospectiv­e invitent à la prudence. 10 %, ce sont des dizaines de milliards d’actifs potentiell­ement perdus pour un secteur qui court déjà après ses marges. Tout sauf négligeabl­e. De fait, beaucoup d’ONG enjoignent les établissem­ents tricolores à aller plus vite et plus loin. C’est le cas de Reclaim Finance, par exemple, qui notait il y a peu qu’avec 295 milliards de dollars de financemen­t accordés par les banques françaises aux énergies fossiles depuis l’accord de Paris, la France était loin d’être une élève modèle.

L’impulsion décisive peut-elle venir de Bruxelles ? Avec la (très débattue) « taxonomie verte », l’Europe s’apprête à fixer un langage commun à toute la planète finance permettant de déterminer quels investisse­ments sont verts et lesquels ne le sont pas. Une fois le tempo donné, les banques auront tout intérêt à se trouver du bon côté de la barrière climatique.

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