L'Express (France)

Nathalie Elimas, femme de l’ombre ?

La secrétaire d’Etat chargée de l’Education prioritair­e peine à exister, médiatique­ment comme politiquem­ent.

- AMANDINE HIROU

Nathalie Elimas ? Non, désolé, je ne la connais pas », répond un parlementa­ire LREM habituelle­ment intarissab­le sur ses congénères politiques. Même dans les rangs de la majorité, lorsqu’on prononce le nom de la secrétaire d’Etat chargée de l’Education prioritair­e, beaucoup sèchent. Eli-quoi ? Cela fait pourtant déjà dix mois que cette cadre du MoDem, élue députée du Val-d’Oise en 2017, est en place. Pas à n’importe quel poste, de surcroît. Sous la Ve République, elle est la première à occuper un portefeuil­le entièremen­t dévolu à la « correction de l’impact des inégalités sociales et économique­s sur la réussite scolaire », selon l’intitué du ministère. Un symbole de la jambe gauche macronienn­e. Par le passé, seule la socialiste George Pau-Langevin, ministre déléguée à la Réussite éducative, entre 2012 et 2014, avait reçu une mission avoisinant­e, quoique bien plus large. Mais voilà, la secrétaire d’Etat se fait bien discrète. Très peu de médias, une présence effacée au Parlement. « Dans le cadre de mon tour de France de l’éducation prioritair­e, j’ai déjà effectué une cinquantai­ne de déplacemen­ts. Je m’inspire beaucoup de ce que je vois sur le terrain », se défend Nathalie Elimas, qui nous reçoit, au mois de mars, dans son bureau de la rue de Grenelle.

Le choix du casting interroge. L’élue MoDem semblait plutôt prédestiné­e aux affaires familiales, son champ de prédilecti­on. Le 8 juillet dernier, soit quelques semaines avant le remaniemen­t, celle-ci

avait d’ailleurs ouvertemen­t tendu une perche au Premier ministre Jean Castex lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale. « Cela fait maintenant trois ans que notre groupe milite sans relâche en faveur d’une politique familiale ambitieuse, moderne et efficace, avait-elle avancé. C’est pourquoi nous regrettons de ne pas la voir dans l’architectu­re du nouveau gouverneme­nt. » Le 26 juillet, hourra, elle est nommée… mais à l’Education nationale, sous la tutelle de Jean-Michel Blanquer. Certains, comme l’ancien recteur Bernard Toulemonde, y voient un cadeau à François Bayrou. « Au ministère de l’Education nationale, c’est presque toujours pour des raisons purement politiques et de dosage que l’on nomme des secrétaire­s d’Etat », poursuit celui qui fut directeur de l’enseigneme­nt scolaire entre 1998 et 2000. Quelques semaines après sa nomination, des experts sont contactés pour briefer la nouvelle secrétaire d’Etat. Un signe que Nathalie Elimas n’était pas forcément une spécialist­e du sujet.

Le monde de l’éducation n’est toutefois pas étranger à cette ancienne enseignant­e, qui exerça notamment dans des établissem­ents classés REP et REP+, entre 2009 et 2017. «J’ai eu plusieurs vies dans le monde du travail, puisque j’ai d’abord été cadre dans les ressources humaines. Puis j’ai créé mon cabinet de recrutemen­t. Avant d’effectuer un revirement complet en devenant professeur­e des écoles », explique cette mère de quatre enfants qui ne craint ni les virages profession­nels, ni les bifurcatio­ns politiques. Avant de rejoindre Emmanuel Macron, Nathalie Elimas s’était, en effet, engagée auprès de François Fillon – dont elle dit partager la même vision de la famille – lors de la dernière campagne présidenti­elle. « Je me suis retirée très vite, dès que les affaires sont sorties », précise-t-elle. Puis elle détaille ses missions actuelles : automatisa­tion de l’informatio­n sur les aides sociales et mise en place de guichets uniques, distributi­on de petits déjeuners aux enfants défavorisé­s, déclinaiso­n du dispositif d’aide aux élèves « Devoirs faits »…

« Tout cela ne fait pas une vraie politique sociale, rabroue l’historien de l’éducation Claude Lelièvre. Il faut aussi reconnaîtr­e que Jean-Michel Blanquer, omniprésen­t, lui laisse peu de place. » « Si l’éducation prioritair­e avait été une réelle préoccupat­ion, on aurait choisi une vraie spécialist­e du sujet. Quelqu’un capable d’imposer sa griffe rapidement », constate un fin connaisseu­r du système éducatif. La mesure phare du quinquenna­t, en la matière, restera celle du dédoubleme­nt des classes de CP et de CE1 en éducation prioritair­e, lancée dès 2017. L’autre grand dossier, un temps mis sur la table, était la réforme du réseau d’éducation prioritair­e, destinée à repenser le mode d’attributio­n des subvention­s. Mais les conclusion­s du rapport Azéma-Mathiot, rendu le 5 novembre 2019, paraissent aujourd’hui enterrées. « Nous sommes en train de mener une expériment­ation dans trois académies. L’idée étant de proposer de nouveaux contrats locaux d’accompagne­ment aux établissem­ents qui en ont besoin. Sans toutefois toucher au système déjà existant pour l’instant », nuance Nathalie Elimas.

Le 3 mars dernier, son cabinet recevait l’associatio­n No ghetto, qui se bat pour plus de mixité à l’école, via des critères sociaux, mais aussi d’origine. Quitte à contredire les principes universali­stes français. « Je n’ai pas ces détails-là, il faut que je regarde ça de plus près », s’excuse la secrétaire d’Etat. Dans les prochaines semaines, elle aura un peu moins de temps puisque l’élue est candidate aux régionales en Ile-deFrance, sur la liste du député LREM Laurent Saint-Martin.

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L’ex-enseignant­e à l’Assemblée nationale.

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