Allemagne Le jeu trouble de l’ex-espion Maassen
Candidat aux élections législatives, ce conservateur connu pour ses positions ultraradicales veut se rapprocher de l’extrême droite. Quitte à briser un tabou absolu.
On a d’abord cru à un poisson d’avril. Mais l’annonce, le 1er avril, de la candidature de l’ancien chef du renseignement intérieur allemand Hans-Georg Maassen aux élections fédérales de septembre n’a rien d’une plaisanterie. Profitant de la démission de son « collègue » conservateur Mark Hauptmann (poursuivi par la justice pour avoir touché une mégacommission dans des contrats publics d’achats de masques sanitaires), Maassen a pris sa place. Il est désormais le candidat officiel de l’Union chrétiennedémocrate (CDU), le parti de la chancelière Angela Merkel, dans une circonscription de la région de Thuringe (centre-est de l’Allemagne).
Ignorant l’avis des instances nationales du parti, les militants de cette circonscription ont plébiscité cet « ultra » connu pour ses propos antimigrants et ses phrases assassines contre le droit d’asile. Leur argument ? Bien qu’il n’ait aucune attache locale, Maassen semble le meilleur moyen d’éviter un désastre électoral dans un Land où s’est enracinée l’extrême droite la plus radicale d’outre-Rhin. En Thuringe, Alternative pour l’Allemagne (AfD), conduite par le fasciste Björn Höcke, a obtenu un score de 23,4 % aux dernières élections régionales, en 2019 – près de 2 points de plus que la CDU.
Les rapports de Maassen avec l’extrême droite semblent toutefois assez poreux. Cet « anti-Merkel » incarnant la frange de la CDU favorable à un rapprochement avec l’AfD. « Bien que cet ancien haut fonctionnaire n’ait pas d’influence politique, sa candidature ouvre un débat. Si une telle alliance reste taboue chez les conservateurs, certains n’en discutent pas moins en coulisses, surtout dans les régions de l’ex-RDA [dont la Thuringe], où l’AfD est très forte », explique Gero Neugebauer, politologue à l’Université libre de Berlin.
En février 2020, Hans-Georg Maassen avait qualifié de « grand succès » l’union politique – sans précédent – de la CDU et de l’extrême droite pour l’élection d’un ministre-président en... Thuringe. L’affaire avait capoté, mais elle avait provoqué la chute de la dauphine de Merkel à la tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer.
De nouveau, la nomination de HansGeorg Maassen a provoqué des remous. Car elle a été interprétée comme un affront par tous les fidèles de la « politique de l’accueil » d’Angela Merkel. « Un parti qui le nomme comme candidat ne peut être le mien […]. Je n’ai pas ma place [au sein d’une formation politique] qui ne se démarque pas des agitateurs », a réagi Nicolas Zimmer, ancien leader de la droite conservatrice au Parlement de Berlin – avant de rendre sa carte d’adhérent.
De fait, cette histoire affaiblit l’autorité du nouveau président du parti conservateur, Armin Laschet, déjà mise à mal par deux adversaires : Friedrich Merz, son principal rival à la CDU, et Markus Söder, le populaire patron de Bavière, qui ne cesse de lui savonner la planche. « L’affaire Maassen ne changera pas l’histoire de la CDU, mais elle va encore brouiller son image », estime Gero Neugebauer. Accusé d’avoir négligé la menace du terrorisme d’extrême droite lorsqu’il était en poste, l’ancien chef du renseignement est la cible idéale pour les écologistes et les sociaux-démocrates. Durant la campagne, ceux-ci ne manqueront pas de souligner l’absence de clarté de la droite allemande, sans programme électoral à cinq moins du scrutin.