L'Express (France)

Allemagne Le jeu trouble de l’ex-espion Maassen

Candidat aux élections législativ­es, ce conservate­ur connu pour ses positions ultraradic­ales veut se rapprocher de l’extrême droite. Quitte à briser un tabou absolu.

- CHRISTOPHE BOURDOISEA­U (BERLIN)

On a d’abord cru à un poisson d’avril. Mais l’annonce, le 1er avril, de la candidatur­e de l’ancien chef du renseignem­ent intérieur allemand Hans-Georg Maassen aux élections fédérales de septembre n’a rien d’une plaisanter­ie. Profitant de la démission de son « collègue » conservate­ur Mark Hauptmann (poursuivi par la justice pour avoir touché une mégacommis­sion dans des contrats publics d’achats de masques sanitaires), Maassen a pris sa place. Il est désormais le candidat officiel de l’Union chrétienne­démocrate (CDU), le parti de la chancelièr­e Angela Merkel, dans une circonscri­ption de la région de Thuringe (centre-est de l’Allemagne).

Ignorant l’avis des instances nationales du parti, les militants de cette circonscri­ption ont plébiscité cet « ultra » connu pour ses propos antimigran­ts et ses phrases assassines contre le droit d’asile. Leur argument ? Bien qu’il n’ait aucune attache locale, Maassen semble le meilleur moyen d’éviter un désastre électoral dans un Land où s’est enracinée l’extrême droite la plus radicale d’outre-Rhin. En Thuringe, Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD), conduite par le fasciste Björn Höcke, a obtenu un score de 23,4 % aux dernières élections régionales, en 2019 – près de 2 points de plus que la CDU.

Les rapports de Maassen avec l’extrême droite semblent toutefois assez poreux. Cet « anti-Merkel » incarnant la frange de la CDU favorable à un rapprochem­ent avec l’AfD. « Bien que cet ancien haut fonctionna­ire n’ait pas d’influence politique, sa candidatur­e ouvre un débat. Si une telle alliance reste taboue chez les conservate­urs, certains n’en discutent pas moins en coulisses, surtout dans les régions de l’ex-RDA [dont la Thuringe], où l’AfD est très forte », explique Gero Neugebauer, politologu­e à l’Université libre de Berlin.

En février 2020, Hans-Georg Maassen avait qualifié de « grand succès » l’union politique – sans précédent – de la CDU et de l’extrême droite pour l’élection d’un ministre-président en... Thuringe. L’affaire avait capoté, mais elle avait provoqué la chute de la dauphine de Merkel à la tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbaue­r.

De nouveau, la nomination de HansGeorg Maassen a provoqué des remous. Car elle a été interprété­e comme un affront par tous les fidèles de la « politique de l’accueil » d’Angela Merkel. « Un parti qui le nomme comme candidat ne peut être le mien […]. Je n’ai pas ma place [au sein d’une formation politique] qui ne se démarque pas des agitateurs », a réagi Nicolas Zimmer, ancien leader de la droite conservatr­ice au Parlement de Berlin – avant de rendre sa carte d’adhérent.

De fait, cette histoire affaiblit l’autorité du nouveau président du parti conservate­ur, Armin Laschet, déjà mise à mal par deux adversaire­s : Friedrich Merz, son principal rival à la CDU, et Markus Söder, le populaire patron de Bavière, qui ne cesse de lui savonner la planche. « L’affaire Maassen ne changera pas l’histoire de la CDU, mais elle va encore brouiller son image », estime Gero Neugebauer. Accusé d’avoir négligé la menace du terrorisme d’extrême droite lorsqu’il était en poste, l’ancien chef du renseignem­ent est la cible idéale pour les écologiste­s et les sociaux-démocrates. Durant la campagne, ceux-ci ne manqueront pas de souligner l’absence de clarté de la droite allemande, sans programme électoral à cinq moins du scrutin.

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Cet « ultra » incarne la CDU anti-Merkel.

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