Etats-Unis Californie : le cirque (électoral) rouvre ses portes
Une star du porno, un pasteur et même un ours… Voilà le casting ahurissant de l’élection partielle visant à faire tomber le gouverneur démocrate.
Les campagnes électorales californiennes sont toujours folkloriques. Mais celle de John Cox, 65 ans, bat tous les records. Cet homme d’affaires républicain a annoncé sa candidature au poste de gouverneur avec, à son côté, un ours brun ! Son message, a-t-il expliqué, s’inspire de La Belle et la Bête : le « bellâtre », comme il le surnomme, est le télégénique gouverneur Gavin Newsom et la « bête », Cox, partisan de réformes « monstres ». Las ! Les médias ont peu parlé de son programme, plus intéressés par l’animal qui, pendant le discours, sautait et s’empiffrait de poulet et de gâteaux fournis par son dresseur.
La Californie – 40 millions d’âmes – possède une particularité : organiser un référendum pour demander la destitution du gouverneur y est très facile. Début 2020, des Républicains ont donc lancé une pétition contre Newsom, businessman de 53 ans et ex-maire de San Francisco. Ils l’accusaient d’être responsable de l’augmentation du nombre de SDF, des sans-papiers et des charges fiscales, bref d’avoir transformé l’Etat en « cauchemar ». Au début, personne n’a pris leur initiative au sérieux.
Mais en novembre, le gouverneur a fêté l’anniversaire d’un ami lobbyiste dans un restaurant chic de la Napa Valley, au mépris des consignes sanitaires qu’il avait luimême mises en place. Du pain bénit pour les conservateurs, très remontés contre la fermeture des écoles et des commerces. Ce scandale a relancé la pétition qui totalise maintenant plus de 1,5 million de signatures. De quoi initier un référendum prévu à l’automne. Les électeurs décideront s’ils veulent remplacer Gavin Newsom. Et si oui, par qui.
En 2003, un processus similaire avait permis de déboulonner Gray Davis, démocrate impopulaire. La campagne avait tourné au cirque. Plus de 130 candidats s’étaient présentés, souvent pour s’offrir un coup de pub à vil prix. Parmi eux, l’éditeur de revues porno feu Larry Flynt, un comédien de série B, un comique spécialisé dans l’explosion de pastèques et… Arnold Schwarzenegger, qui remporta l’élection sous l’étiquette républicaine.
La campagne actuelle commence à peine, mais elle s’annonce pittoresque. Parmi la dizaine de candidats déjà en piste : un ex-entrepreneur de la tech devenu pasteur, une blonde en bikini qui milite pour une journée nationale du bain moussant, une ancienne actrice de films X et le transgenre Caitlyn Jenner. Baptisée William Bruce Jenner à sa naissance, il a remporté la médaille d’or de décathlon aux Jeux olympiques de 1976, puis s’est reconverti dans le cinéma et la télé réalité.
Un temps marié à Kris Kardashian (la mère de Kim), Bruce a annoncé en 2015 son changement de sexe. Devenue Caitlyn, elle a soutenu Trump avant de prendre ses distances en raison des positions anti-transgenres de son administration. Jenner exploite cependant le même filon populiste. Elle affirme qu’elle veut se débarrasser des « élitistes » et accuse le gouvernement de voler « votre argent, vos jobs et votre liberté ».
A 71 ans, Jenner peut-elle rééditer l’exploit de « Schwarzie », élu en 2003 ? Pas sûr. Certes, elle a de l’argent et des millions de fans sur les réseaux. Mais contrairement à « Terminator », c’est une novice en politique, qui s’est d’ailleurs rarement déplacée pour voter. En outre, la Californie est de plus en plus un fief démocrate. Ces dernières années, « le Parti républicain est passé en troisième position » [derrière les catégories démocrates et indépendants], observe la stratège politique Katie Merrill. Qui plus est, Gavin Newsom reste relativement populaire et son Etat affiche un excédent budgétaire. Sur le front du Covid, le taux de vaccination est l’un des plus hauts du pays.
Selon un sondage, 56 % des Californiens sont opposés à la procédure de destitution, échaudés, sans doute, par la facture qui pourrait atteindre 400 millions de dollars. A peine en lice, Caitlyn Jenner s’est aliénée les activistes LGBT en déclarant que la participation des femmes transgenres aux épreuves sportives féminines était « injuste ». Quant aux défenseurs des animaux, ils sont furieux contre John Cox et son exploitation « honteuse » de l’ours.